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Hist Allemagne depuis 1914

L'HISTOIRE - LES COLLECTIONS - N°65 - Octobre 2014

L'Allemagne de Luther à Merkel.

 

 

1/ Gerd KRUMEICH : Questions brûlantes sur la Grande Guerre

 

            1- Le pangermanisme

né en 1891 : mouvement "alldeutsch" marginal

renforcé en 1911 avec la création de Wehrverein (Ligue pour l'armement) : 300 000 membres

préconise une supériorité naturelle de l'Allemagne face à la "France en déclin"

relations tendues avec l'Etat : politique de Guillaume II est "Weltpolitik und kein Krieg (= politique mondiale sans la guerre)

mais le mouvement pangermaniste inquiète la France (politiciens, intellectuels)

 

            2- La thèse de l'encerclement

sentiment partagé en Allemagne : pays encerclé sciemment (volonté de Delcassé, Poincaré) par des puissances hostiles

guerre perçue comme une légitime défense

réalité de cet encerclement ou auto-psychose ? Débat non tranché chez les historiens

 

            3- La responsabilité

soutien allemand à la politique austro-hongroise qui cherche la guerre contre la Serbie (même si risque d'entraîner la Russie)

idée partagée qu'il vaut mieux une guerre maintenant que plus tard (en fonction des rapports de force)

éclairage de Christopher CLARK (historien australien) rassurant pour les Allemands d'aujourd'hui :

            -Allemagne pas plus responsable que les autres

            -réévaluation à la hausse de la responsabilité de Serbie, Russie, France

 

            4- La "barbarie" allemande

atrocités commises en Belgique et en France du Nord (viols, otages fusillés, villages brûlés, etc)

plusieurs étapes chronologiques :

            -Août-septembre 1914 : 6500 civils tués ; crainte par les Allemands de snipers d'où panique et exactions

            -Occupation plus civilisée ensuite

            -Printemps 1916 : attaque de Verdun ; durcissement de l'occupation

            -Septembre 1918 : retraite générale des Allemands d'où tout faire pour retarder l'avance ennemie

Art. 227-230 du Traité de Versailles : punition des crimes de guerre

 

            5- La défaite sur la Marne (septembre 1914)

Plan Schlieffen (1905) : victoire rapide contre la France pour se retourner contre la Russie

armée française sous-estimée : retraite organisée, pas de débandade (rôle de Joffre)

abandon du projet d'encercler Paris

Contre-attaque française, puis front bloqué : forces allemandes insuffisantes pour gagner ensuite

 

            6- Raisons de la défaite

raison principale: impossible de rattraper les Alliés à partir de 1917 (entrée des EU) en hommes et matériels

autre raison : pouvoir de facto aux militaires (Hindenburg et Ludendorff) à partir de 1916 d'où aucun contrôle par les politiques et impossible de négocier la paix

 

            7- Le "coup de poignard dans le dos"

mythe des militaires trahis par les civils (idée de Ludendorff)

République signe l'armistice: militaires n'avouent pas la défaite militaire (d'où légende de l'armée invaincue)

Expression "coup de poignard dans le dos" utilisée par le général anglais Frederick Maurice, puis reprise par Hindenburg

Dès 1919, reprise par Hitler en précisant: complot judéo-communiste ; promet vengeance

 

 

2/ Nicolas PATIN : Weimar, république normale ?

 

            1- Evolution de l'historiographie

Piège historique : Weimar étudiée par ses fragilités et ses symptômes qui amènent au nazisme

Renouveau actuel: étudiée pas comme un "échec moral", mais comme une période de crise avec plusieurs avenirs possibles (pas de déterminisme)

Image de vivacité culturelle (modernité, avant-gardisme) également fausse : "culture conflictuelle" (clivage accentué entre modernité et réaction)

 

            2- Indices du bouillonnement culturel

-Innovations techniques :

            nombre de voitures : 0,1 M en 1918 , 2,2 M en 1928

            nombre de radios : 2 M en 1928 , 4,3 M en 1933 (mais seulement 1 pers/10 dans les campagnes)

-Culture autonome de la jeunesse, émancipation des femmes (opposition entre Berlin progressiste et Munich conservateur)

-Expressionnisme  : peinture dès avant la 1GM, se propage ensuite au cinéma (mais échec commercial de Métropolis de Fritz Lang en 1927)

-Université : développement de la sociologie avec Max Weber (mais conservatisme très répandu, devient un des bastions des nazis)

-Mémoire de la guerre : 2 cultures nettement opposées (réactionnaire et guerrière face à pacifiste et républicaine)

            ex: Livre de 1929 de E.M. Remarque: "A l'ouest rien de nouveau" : pacifiste, transposé en film dès 1929, mais sabotage des projections par les nazis

-Politique parlementaire solide jusqu'en 1929 :

            avancées sociales (vote des femmes en 1919, assurance-chômage en 1927...)

            parlementarisme efficace (700 lois votées en 1920-24)

 

            3- Elites vieillies

Mort du ministre des Affaires étrangères charismatique G. Stresemann en 1929

Nazis, contrairement aux autres partis, ont su passer d'une "société de classes" à une "société de masse".

 

3/ Johann CHAPOUTOT : Nazisme, l'effondrement d'une civilisation

 

            1- Evolution de l'historiographie

-Historiens longtemps prisonniers d'une vision imposée par les nazis eux-mêmes : le Sonderweg (= chemin particulier) de l'Allemagne

Or, nécessité de remettre le nazisme dans le contexte de l'Allemagne, mais aussi de l'Europe et de l'Occident

-Débat entre intentionnalistes (Hitler omnipotent) et fonctionnalistes (dictateur faible) dépassé aujourd'hui par le concept de Ian Kershaw : "pouvoir charismatique" (société place ses attentes et ses ressentiments dans la personne d'Hitler, nettement héroïsé par la propagande)

 

            2- Scissions et trahisons

-Face à la crise, à partir de 1929, hypothèse plausible d'un coup d'Etat de droite organisé par les militaires

-Législatives de novembre 1932 : recul du NSDAP (perte de 2 M de voix par les nazis), parti au bord de l'explosion

-Négociations menées par Von Papen : croit pouvoir manipuler Hitler

-Officiers souvent réservés voire hostiles aux nazis: jugés trop vulgaires et plébéiens : Hitler les courtise pour les rallier

 

            3- Alliés du régime

-Armée récompensée lors de la phase de conquêtes de 1935 à 1941 (mais attentat de juillet 1944 commis par des officiers)

-Alliés plus fiables : hiérarchie ecclésiastique, industriels, financiers ; séduits par antisémitisme, anticommunisme et, pour les patrons, appât du gain (pas spécifiquement allemand, se retrouve avec régime de Vichy)

-Rôle des Anti-Lumières (réactionnaires): en Allemagne, mais existe aussi en France

-Racisme, antisémitisme, eugénisme : présents dans d'autres pays

-Allemagne : pays le plus alphabétisé d'Europe ; Weimar a développé l'université (100 000 nouveaux étudiants chaque année) ; d'où jeunesse diplômée pleine d'espoir mais qui se heurte à la crise ; nazis leur offrent un discours cohérent contre les juifs et les slaves, pour la colonisation à l'Est ; diplômés adhèrent : apport de compétences techniques indispensables aux nazis

-Redressement économique des années 1930 redistribué socialement et fiscalement par les nazis (ex: loisirs avec l'organisation "la force par la joie") ; période perçue comme une "Belle Epoque"

-Puissance financée à crédit et gagées sur les spoliations à venir : forme de colonialisme classique

 

            4- Un massacre européen

Génocide commis avec aide indispensable de nombreux non Allemands : "voisins" Ukrainiens, Polonais et Biélorusses qui dénoncent, institutions et collabos en Europe de l'ouest

Fait montré par les historiens spécialistes de la Shoah: Jan Gross, Martin Dean

 

            5- Retournement de situation

-Expansion vers l'Est d'où recherche par Hitler d'un compromis à l'Ouest : se heurte à la résistance de GB, mais alliance de Vichy lui épargne d'importante ressources humaines (soldats reportés à l'Est)

-Retournement face à l'URSS en 2 temps : d'abord fin 1941, puis hiver 1942-43 (Stalingrad)

-Défense de la patrie allemande acharnée jusqu'au bout (peur des Russes)

-Nazis se lâchent à la fin contre les juifs (2,5 M de morts de juillet 1944 à mai 1945) et contre la population allemande (jusqu'auboutisme, répression féroce...)

 

4/ Philippe BURRIN : 1945-48: Douze millions de réfugiés

 

-2 catégories d'Allemands concernées:

            -ceux des parties orientales : annexées en 1945 par Pologne et URSS (7 M pers)

            -ceux expulsés d'Europe orientale et balkanique, installés progressivement à partir du Moyen Age (5 M pers)

-Avant la conférence de Potsdam (été 1945) : nombreuses expulsions et exactions commises par les "voisins (ex: 40 000 morts en Tchécoslovaquie) ; puis transfert organisé par les Alliés

-Fort traumatisme

-Motifs de l'expulsion:

            supprimer un nouvel irrédentisme allemand (peur de nouvelles revendications territoriales)

            faire payer les duretés de l'occupation pendant la guerre

            rechercher une homogénéité ethnique (idéal de l'Etat-nation, sans minorités)

-Accueil en RFA :

            d'abord dans des camps puis installés grâce à un ministère spécial

            16% de la population en 1949

            intégration facilitée par le "miracle économique" (30 Glorieuses) et la démocratie

            votent massivement pour la CDU (droite) ; SPD suspecte à leurs yeux d'accepter le fait accompli

            traité de 1990 avec la Pologne: met fin à leurs revendications territoriales (volonté de retour)

 

5/ Edgar WOLFRUM: Le mur de la honte

 

            1- A la demande de la RDA

-1945-61: fuite de 3 M d'Allemands de RDA vers RFA, 95% passent par la "brèche" de Berlin

-Demande du mur par Walter Ulbricht (chef de RDA) à Khrouchtchev (chef URSS)

-13 août 1961 : barbelés, puis rapidement maçonnerie (155 km de long) ; fermeture des stations de métro de l'Est ; 69/81 points de passages murés ; réorganisation de tous les réseaux (eau, électricité, routes)

-Aucune réaction de Occidentaux

-En fait, 2 murailles. Côté Est: "rempart intérieur" + "bande de la mort" (100 m de large avec grillages, pointes d'acier, tranchées anti-chars...)

 

            2- Le bain de sang évité

-A partir du 19 août 1989 : fuite d'Allemands de l'Est par la frontière entre Hongrie et Autriche qui vient d'être ouverte (+ 30 000 en août-septembre)

-Opposition augmente en RDA : 1e manifestations en septembre à Leipzig pour obtenir des réformes

-Tournant du 9 octobre : 75 000 pers défilent à Leipzig ; Gorbatchev refuse d'intervenir (envoi des chars demandé par Erich Honecker, chef de RDA)

-18 octobre : Honecker renversé au sein de la SED (=PC) ; remplacé par Egon Krenz qui annonce l'amnistie pour les fuyards ; jugé insuffisant par les manifestants

 

            3- La nuit des nuits allemandes

-9 novembre : conférence de presse de Günther Schabowski (dirigeant de SED) : pressé de questions, annonce l'ouverture immédiate du mur

-Réaction en chaîne : tout le monde se rue vers le mur : journalistes avec caméras, population ; garde-frontières laissent passer

 

6/ Etienne FRANCOIS : La RDA a-t-elle existé ?

 

            1- Une coupure en 2 jamais perçue comme irréversible

-Loi fondamentale de RFA (1949) : mécanisme de réunification prévu

-Constitution de RDA (1949) : "Allemagne indivisible"

 

            2- Le pays le plus marxiste

-Communistes au pouvoir sont des survivants du nazisme: Ulbricht (émigré à Moscou), Erich Mielke (fondateur de la Stasi)...

-Fusion de KPD et de SPD dans le SED (= PC) imposée par l'URSS

-Réformes de 1952 : centralisme (fin des Länder), nationalisations massives, développement de l'industrie lourde, fermes collectives imposées (collectivisation de l'agriculture)

-Répression contre les opposants : peu d'exécution, surtout des exclusions (monnaie d'échange avec RFA)

-"Dictature pédagogique" : volonté de créer un homme nouveau et une autre Allemagne

-Emeutes à Berlin-Est en juin 1953 : SED veut augmenter les normes de production (+ 10% par salarié) et baisser les salaires des ouvriers ; répression : 100 morts (police de RDA + armée URSS) + 20 fusillés (condamnations par tribunaux) ; SED déstabilisé (comprend qu'il est minoritaire)

 

            3- 1961-74 : Les "Belles années"

-Stasi : ministère de la sécurité d'Etat ; traque les opposants au début, puis surveille la société ; en 1989, 90 000 officiers + 190 000 "informateurs officieux" (leur nombre a beaucoup augmenté : seulement 20 000 en 1959)

-Priorité aux biens de consommation (ex: voiture Traban)

-Naissance d'un patriotisme (ex: 1e participation de RDA aux JO à Grenoble en 1968)

-Ostpolitik de Brandt : traité de 1972 (reconnaissance mutuelle)

-Mais :             Allemands de l'Est espèrent l'Ouest: grâce à la TV et radio

                        Retard économique sur RFA irrattrapable

                        Durcissement du régime sous Honecker (à partir de 1971)

 

            4- Réunification de 1990

-Voulue par Helmut Köhl (chancelier de RFA)

-Coût financier très lourd car structures de RDA vieillies (supporté par RFA)

-Développement d'une "Ostalgie" (nostalgie de l'Est) : souvent jeunes générations qui n'ont pas connu la RDA

 

7/ Johann CHAPOUTOT : Un modèle peut en cacher un autre

 

            1- L'intégration des salariés

-Héritages anciens :

            puissant réseau de PME depuis le XIXe siècle

            politique sociale (Bismarck, puis Weimar)

            "économie sociale de marché" : concurrence + cogestion (promue par CDU fin des années 1940, acceptée par SPD)

-Modèle remis en cause par Köhl après la réunification : suit le modèle anglo-saxon (dérégulation et financiarisation)

 

            2- Le retournement Schröder (SPD, 1998-2005)

-Schröder fasciné par Tony Blair (GB)

-SPD devient "Neue Mitte" (= Nouveau Centre) et fait des réformes :

            baisse de fiscalité des entreprises et des hauts revenus

            baisse des prestations sociales pour chômeurs et retraités (Loi Hartz IV)

 

            3- Où est le véritable "modèle allemand" ?

-Véritable démocratie parlementaire depuis 1949 qui fonctionne bien :

            partis anti-démocratiques interdits

            si vote de défiance du parlement contre les gouvernement, les opposants doivent d'abord trouver un successeur

            qualité des débats au Bundestag et dans la presse politique

-Mais, le complexe historique a nourri chez les historiens allemands le concept de Sonderweg (chemin particulier, démocratie impossible)

-Thèse du Sonderweg aujourd'hui remise en cause par les historiens anglo-saxons: Christopher Clark, David Blackbourn