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Histoire des femmes

HISTOIRE DES FEMMES EN FRANCE AU XXe SIECLE

 

"On ne naît pas femme, on le devient" (dans Le deuxième sexe, 1949) : phrase de Simone de Beauvoir (agrégée de philosophie en 1929 ; militante communiste ; compagne de JP Sartre, militante féministe)

 

Pbmatique :     Comment expliquer la lenteur de l'émancipation des femmes en France ?

            ou        Comment les femmes acquièrent-elles une nouvelle place en France au cours du XXe siècle ?

 

I/ Jusqu’aux années 1960, des femmes considérées comme mineures

 

1/ La base juridique et philosophique

-Statut défini par le code civil de 1804 : femme reste sous la tutelle de son père, puis de son mari

Exple : article 213 : "le mari doit protection à sa femme et la femme obéissance à son mari"

Autorisation nécessaire du tuteur (père ou mari) pour pouvoir : étudier, travailler, disposer de ses biens et de son salaire

 -Une vision sexuée de la société :

            femme cantonnée aux tâches domestiques, considérée comme une mère, fragilité héritée de la nature

            homme : doit faire vivre la famille, seul détenteur de l'autorité, virilité

Souci de protéger la famille, cellule de base de la société (vision chrétienne des Pères de l'Eglise, vision des Lumières du XVIIIes, puis des médecins du XIXe s)

Une vision intériorisée par les femmes elles-mêmes

-Sous Vichy : vertu de la "femme traditionnelle" valorisée : création de la Fêtes des Mères (1941), Charte de la Famille

-Réaffirmation d'une virilité masculine à la Libération : historien Fabrice Virgili en 2000 :  La France « virile ». Des femmes tondues à la Libération.

            phénomène massif : environ 20 000 femmes

            femmes accusées de collaboration : « collaboration horizontale » (57% des femmes tondues), dénonciation d'un résistant (6%), engagement dans une organisation de collaboration (8%), travail pour les Allemands (15%)

            de 1943 (de nuit) à février 1946 (mais pratique réprouvée à partir de 1945) ; moments les + importants : été 1944 (phase de la Libération du territoire) et mai-juin 1945 (retour des prisonniers et déportés)

            portrait type d'une tondue : jeune, célibataire, ayant une activité professionnelle la plaçant parfois en contact avec des Allemands (lingères, commerçantes, institutrices dont l'appartement de fonction jouxte souvent celui requis par les autorités militaires) ; celles qui échappent à la surveillance communautaire, familiale ou professionnelle.
            fonction d'humiliation et de réappropriation du corps féminin par les hommes (chevelure = vecteur essentiel de la séduction féminine ; rasage = trahison)

            réalisation dans des lieux publics : rues (42% des cas), places (21%), devant les mairies et préfectures (18%) = libération d'un territoire souillé par la présence allemande

            séquelles psychologiques : le suicide, la fuite, la réclusion et la résignation sont les quatre marques de l'après tonte ; absence de témoignages

-Vision sexuée confortée jusque dans les Trente Glorieuses :

baby-boom : congés maternité et allocations familiales (statut de la mère au foyer valorisé)

images publicitaires pour la consommation de masse (femme le plus souvent représentée au foyer : appareils électroménagers qui lui « facilitent » la vie...)

femme-objet véhiculée par l’art et les médias (ex : Brigitte Bardot)

 

2/ Quelques évolutions timides

-Enseignement :

lois Ferry (1881-82): accès des filles aux études primaires (comme les garçons)

1902 : accès au même baccalauréat que les garçons (en 1910, 2% des bacheliers sont des filles ; en 2009, 58%)

-Monde du travail :

            livre de l'historienne Sylvie Schweitzer en 2002: Les femmes ont toujours travaillé

tâches surtout subalternes au XIXe s : domestique, ouvrière, paysanne, sage-femme ; meilleurs statuts: marchande et institutrice ; salaire toujours inférieur à celui de l'homme (perçu comme un simple complément)

1911 : 1/3 des ouvriers et des fonctionnaires sont des femmes ; 1/4 des commerçants

1907 : libre disposition de son salaire par la femme

femmes pionnières dans certains métiers/fonctions : 1e avocate (1900), 1e psychiatre (Madeleine Pelletier en 1903) ; 1e prix Nobel de physique (Marie Curie en 1903) ; 1e chauffeuse de taxi (1908, mais grève contre sa nomination)

rôle accru pendant la 1e guerre mondiale : « mobilisation » à l’arrière (usines, agriculture, commerce, enseignement, bureaux, hôpitaux...) ; 1918 : 400 000 femmes dans l'industrie, 800 000 à la tête d'exploitations agricoles ; mais conçu comme simple substitution: nombreux licenciements à la fin de la guerre pour laisser place aux hommes

guerre : aussi souffrance (ex: 600 000 veuves)

nombre de femmes dans le secteur tertiaire X3 de 1906 à 1931; mais licenciements massifs dans les années 1930 (crise)

-Société :

1884: légalisation du divorce pour faute (loi Naquet)

après 1e guerre: libération du corset (sous-vêtement rigide destiné à modeler la silhouette, très contraignant), apparition de la gaine (élastique, plus souple, qui libère le corps)

mode de la "Garçonne" (1919-29) : née à Paris (rôle de Coco Chanel) ; synonyme de femme émancipée (cheveux courts, maquillage, jupes courtes jusqu’aux genoux, pratiques masculines : fumer, faire du sport…) ; reste minoritaire et surtout chez les élites

 

II/ Des femmes longtemps exclues de la vie politique

 

            1/ Du XIXe s à la Seconde Guerre mondiale

-Suffrage universel : instauré en 1848, mais seulement pour les hommes

-Mouvement des suffragettes (militantes féministes) à la Belle Epoque ; actions d'éclat (ex: Hubertine Auclert brise des urnes lors de l'élection municipale de 1908)

-Causes du refus de leur accorder le droit de vote justifiées par les hommes :       

femmes ne peuvent comprendre les enjeux politiques (élites)

            femmes trop influencées par l'Eglise (Républicains de gauche dont les radicaux)

            femmes doivent seulement s'occuper de la sphère domestique (Eglise catholique)

-1er projet de droit de vote :

Vote favorable de la Chambre des Députés en 1919

Mais vote de rejet au Sénat en 1922

-Années 1930 :

association "La Femme nouvelle" créée par Louise Weiss en 1934 ; réclame le droit de vote ; actions symboliques : se présente illégalement à Paris aux élections législatives de 1936

1ères femmes nommées secrétaires d'Etat par Léon Blum sous le Front Populaire en 1936 : Suzanne Lacore (protection de l'enfance), Cécile Brunschvicg (pupilles et veuves de guerre), Irène Joliot-Curie (recherche)

-Ordonnance du GPRF du 21 avril 1944 :

Accorde le droit de vote (et donc éligibilité) aux femmes

Pourquoi ? reconnaissance du rôle joué dans la Résistance (20 à 30 % des effectifs)

Exples de femmes résistantes :

Lucie Aubrac : agrégée d'histoire-géo en 1938, prof dans un lycée de Lyon ; mouvement Libération-Sud, fait évader son mari arrêté avec Jean Moulin

Bertie Albrecht : infirmière, puis assistante sociale ; à Lyon pendant la guerre ; cofondatrice du mouvement Combat avec Henri Frenay ; arrêtée en 1943, emprisonné à Fresnes, pendue dans sa cellule (suicide sans doute pour éviter la torture) ; une des 6 femmes « Compagnons de la Libération » (pour 1000 hommes)

Danielle Casanova : Corse, responsable communiste, arrêtée en 1942, morte en déportation à Auschwitz en 1943

Très nombreuses anonymes utilisées à des postes subalternes comme « agents de liaison »

-France : un des premiers pays à accorder le suffrage universel aux hommes, mais un des derniers pays européens pour le droit de vote féminin (ex : All, RU et EU en 1919)

 

            2/ Evolution de la représentation féminine depuis 1945

-Préambule de la Constitution de la IVe République en 1946 : égalité des droits homme-femme "dans tous les domaines"

-Faible représentation jusqu'en 2000 :

Au gouvernement : Seulement 4 femmes ministres de 1947 à 1974 ; 1e évolution sous Giscard : 6 femmes nommées en 1974 dont 1 ministre (S. Veil) ; Sous Mitterrand : 1e femme Premier ministre (et la seule jusqu’à aujourd’hui) : Edith Cresson (PS) en 1991-92, mais très dévalorisée et impopulaire (reste moins d'1 an) ; Election de J. Chirac en 1995 : 12 femmes au 1e gouvernement d’A. Juppé, surnommées les « juppettes », mais les 2/3 sont écartées moins de six mois plus tard

            A l'Assemblée Nationale : 1945 : 33 députées (sur 586) issues de 3 partis (16 PCF, SFIO, MRP) ; Sous De Gaulle (1958-69) : 8 femmes députés en moyenne (sur 491) ; Sous Giscard : 15 (sur 491) ; Sous Mitterrand : 30 (sur 577) ; Sous Chirac : 65 (sur 577)

-La loi sur la parité en 2000 :

1996 : « manifeste pour la parité » signé par des femmes politiques des deux camps (Michèle Barzach, Edith Cresson, Simone Veil...)

loi sur la parité inscrite dans la constitution : obligation pour les partis politiques de présenter autant de femmes que d'hommes, sous peine d'amende

but: corriger le manque de représentativité

progrès depuis, mais différence entre présenter des candidats et être élu, différence entre être élu et avoir un poste de responsabilité dans l’exécutif

-Evolutions récentes :

            1e femme candidate retenue au 2e tour de la présidentielle: Ségolène Royal en 2007, mais battue

            Au gouvernement : cohabitation Jospin-Chirac (1997-2002) : 1e femme à un ministère régalien (Elisabeth Guigou : ministre de la justice) ; 2e mandat de J. Chirac (2002-07) : 1e femme ministre de la Défense (Michèle Alliot-Marie pendant 5 ans : record à ce poste) ; Sous N. Sarkozy : parité au départ (puis peu à peu oubliée)et femmes représentant la diversité (R. Dati, R. Yade, F. Amara) ; Depuis 2012 (F. Hollande) : stricte parité à peu près respectée, 1 ministère régalien (C. Taubira à la justice jusqu'en 2015), 1e femme ministre de l’Education (N. Vallaud-Belkacem)                 

            A l’Assemblée Nationale : En 2007: 107 (sur 577) ; En 2012 : 155 (sur 577) 37% de femmes au groupe PS, 14% au groupe UMP, 50% au groupe EELV

            Au niveau local : en 2014, 16% des maires sont des femmes (contre 13% en 2008), 48% des conseillers municipaux dans les communes de + 1000 hab (contre 35% en 2008) ; seulement 6 femmes maires dans les 41 villes de + 100 000 habitants (ex : Anne Hidalgo à Paris) ; en 2015, 10% de femmes présidentes de Conseil Départemental (6% à l’élection précédente) ; seulement 1 femme président de Conseil Régional (4%)

 

III/ Des femmes émancipées depuis les années 1960 ?

 

            1/ Un élan en faveur de l’émancipation

-Des évolutions légales :

1965: femme peut travailler (=exercer une profession) sans l'accord de son mari

1967 : loi Neuwirth autorise la pilule contraceptive (mais seulement appliquée en 1972)

            1970: « autorité parentale » remplace la « puissance paternelle » (gestion commune et partagée de la famille)

1975 : divorce par consentement mutuel

-Pourquoi ?

1956-60 : création de la Maternité heureuse, transformée en Planning familial (association favorable à la contraception, à l’éducation sexuelle, à l’avortement) ; hostilité affichée de l'Eglise, mais aussi du PCF

Rôle des mouvements féministes : MLF (Mouvement de Libération des Femmes : créé en 1968 par Antoinette Fouque et Monique Wittig, mouvement radical d'inspiration marxiste)

Rôle de mai 1968 : rejet de société patriarcale bloquée, liberté sexuelle (lien avec mouvement hippie)

Contexte des Trente Glorieuses : démocratisation scolaire, besoin de main d'oeuvre, société de consommation (nécessité d'un 2e salaire dans la famille)...

 

2/ Le droit à l’avortement

-Rappel de la législation antérieure :

1920-1923 : interdiction de publicité pour la contraception et avortement poursuivi par la justice (vision nataliste de l’après-1e guerre : besoin d’enfants pour dynamiser une population vieillissante)

Pratique d’avortements clandestins sévèrement réprimée : "faiseuses d'anges" condamnées aux travaux forcés ; condamnation à mort sous Vichy (ex : 1943, exécution de Marie-Louise Giraud pour avoir pratiqué 27 avortements)

-Changement sous la pression du féminisme :

1971 : « manifeste des 343 » (ou « 343 salopes ») publié dans Le Nouvel Observateur (femmes déclarant avoir avorté, texte rédigé par S. de Beauvoir ; parmi les signataires : Catherine Deneuve, Françoise Sagan…)

1972 : procès de Bobigny (jugement d’une jeune mineure qui a avorté après un viol ; avocate : Gisèle Halimi) : tourne au procès politique pour dénoncer la loi + manifestations féministes ; finalement relaxée

1974-76 : création d'un Secrétariat d'Etat à la Condition féminine (début du septennat de Giscard, gouvernement de J. Chirac) confié à Françoise Giroud (ancienne résistante, co-fondatrice du magazine L'Express en 1953, journaliste, écrivain, militante)

-Loi Simone Veil sur l'IVG (Interruption volontaire de grossesse) en 1975 :

Simone Veil: survivante juive de sa déportation à Ravensbrück en 1944, magistrate, ministre de la santé sous Giscard (chargée de porter cette loi, avec soutien de Giscard et de Chirac)

Ambiance hostile au parlement : majorité de droite hostile, S. Veil insultée ;

Loi finalement votée par une majorité (gauche, une partie de la droite) avec soutien explicite de Giscard et Chirac

Restrictions: loi présentée comme provisoire (5 ans, puis à rediscuter), IVG non remboursé (seulement voté en 1982)  et soumis à l'avis du médecin

 

3/ Des avancées depuis les années 1980, mais encore des inégalités

-Nouvelles avancées dans plusieurs domaines :

            1981: création du Ministère des Droits de la Femme (par F. Mitterrand) ; ministre socialiste Yvette Roudy

            1983 : loi sur égalité professionnelle

            1986: féminisation des noms de métiers

            1992: loi de répression du harcèlement sexuel

            2011: loi pour renforcer la présence des femmes dans les conseils d'administration des entreprises (objectif: atteindre 40% en 2017) ; but : briser le "plafond de verre" qui les bloque pour accéder aux niveaux supérieurs

-L'émancipation dans les arts :

            exple1 :  Niki de Saint-Phalle (1930-2002, franco-américaine, sculptrice, mouvement: Nouveau Réalisme) ; premières "'Nanas" en 1964 (papier-mâché, plastique ; couleurs vives, monumentales) ; "Les Trois Grâces" en 1999 (céramique, verre, polyester) : thème artistique classique et récurrent revisité (femmes libres, en mouvement, sans pudeur)

            exple2 : Cinéma des années 1970 : films érotiques avec dévoilement du corps féminin (ex: "Emmanuelle" en 1974), mais dérive pornographique dans les années 1980 (ex: films de Brigitte Lahaye)

            exple3 : Marguerite Yourcenar : première femme écrivain reçue à l'Académie Française en 1981

-Les progrès sur le marché du travail :

            Taux d'activité féminin en hausse : 40% en 1961 ; 65% en 2009

            Population active: nombre de femmes qui travaillent passe de 7 millions en 1968 à 13 millions aujourd'hui  (alors que le nombre d'hommes a globalement stagné)

            Emplois tertiaires féminisés à 2/3: secrétariat, enseignantes, infirmières... et hausse des responsabilités

-Des inégalités et des inquiétudes persistantes :

            2003 : création de l'association "Ni putes, ni soumises" (suite à une jeune fille brûlée vive par les garçons de son quartier en 2002) : jeunes femmes issues de l'immigration; lutte contre violences machistes (=sentiment de supériorité de l'homme, on dit aussi phallocratie)

            victimes de violences conjugales : en 2010, 146 femmes tuées par leur époux/conjoint (1 mort tous les 2,5 jours)

            inégalités dans l'enseignement supérieur : en 2009, seulement 25% de filles dans les écoles d'ingénieurs

            monde du travail : inégalité salariale (en 2015 : les femmes ont en moyenne un salaire inférieur de 19% à celui des hommes) même à conditions égales (ex: en 2013, une femme cadre touche 8,5% de moins que le même poste pour un homme), chômage + important pour les femmes (même si tendance à la réduction des écarts) ; femmes plus touchées par le temps partiel et les emplois précaires.  

            difficultés économiques, notamment dans les familles monoparentales

 

Conclusion :    -Une place des femmes qui a profondément évolué dans la société et dans la sphère politique en un peu plus de 100 ans : de réels et durables acquis

                        -Des changements de mentalités qui restent à faire pour une égalité totale

                        -Questionnement sur le concept de "genre": désigne les différences non biologiques entre hommes et femmes donc les différences sociales, psychologiques, économiques, etc ; né aux EU dans les années 1950 chez des médecins, puis repris par des sociologues, des historiens, etc : "gender studies" ; analyse  le masculin et le féminin comme une construction culturelle et sociale (par éducation, famille, religion) ; objet de polémiques politiques récentes en France (mariage de couples homosexuels, lutte contre les stéréotypes filles/garçons à l'école...)