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Hist Première Guerre mondiale

HISTOIRE DE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE

 

Plan du contenu de cette fiche

         1/ Cours (niveau 1e) : La Première Guerre mondiale : l'expérience combattante dans une guerre totale

         2/ Evolution de l'historiographie sur la Première Guerre mondiale

         3/ Guerre, pouvoirs, opinion publique dans les pays belligérants 1914-1918

         4/ Approche de la Première Guerre mondiale (F. Le Hech) 

 

 

1/ Cours niveau 1e :  La Première Guerre mondiale : l'expérience combattante dans une guerre totale

Réalisé par F. Le Hech

 

Introduction

-Quelques citations de l'époque :

            « La France sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée », message du président de la République Raymond Poincaré aux Chambres, 4 août 1914.

            « Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre », discours du président du Conseil Georges Clemenceau à la Chambre des Députés, mars 1918.

             « Si les femmes qui travaillent dans les usines s’arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre», général Joffre, 1915.

 -Concept de guerre totale : mobilisation de toutes les ressources de l’Etat durant une longue période + extension de l’affrontement à toutes les régions du monde + but d’anéantissement de l’adversaire + dynamique de radicalisation (toujours plus de moyens consacrés)

Problématique

En quoi la PGM est-elle une rupture radicale dans l’histoire de l’humanité?

 

I/ Origines et principales phases de la guerre

            1/ Les origines et les belligérants

-Evénement déclencheur (cause immédiate) : 28 juin 1914, assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’empire d’Autriche, par un serbe de Bosnie (territoire dominé par Autriche, fort nationalisme) à Sarajevo ; entrées en guerre successives (élargissement du cercle géographique)

-Origines plus profondes :

            Impérialisme dans les Balkans (Autr-Hong face à Russie pour récupérer les territoires ottomans)

            Exaspération des nationalismes (cohésion nationale: All/Fra, minorités contre Empires)

            Course aux armements

            Course aux colonies (déjà perdue par All)

-Deux systèmes d'alliances qui s'opposent : Triple-Alliance (All/Autr/Ita) face à Triple-Entente (Fra/Rus/GB) ; Engrenage

Pays les moins "fiables" (changement d'alliance, sortie de guerre précoce...) :

            Italie (pas d’entrée en guerre en 1914, changement de camp en 1915 : pbme des terres irrédentes réclamées à l’Autr [Trentin, Istrie...]) 

            Russie (révolution bolchevique d’octobre 1917 : armistice puis séparée de Brest-Litovsk avec All en mars 1918)

-Pays supplémentaires qui ont rejoint le conflit :

            Emp Ottoman + Bulgarie (avec All/Autr)

            Jap + EU (avril 1917) + Chine (avec Entente)

-Dates de la guerre :

            début : 3 août 1914 (déclaration guerre All à Fra)

            fin : 11 novembre 1918 (armistice signé à Rethondes)

-Réaction des différentes tendances politiques à l'intérieur des Etats :

            Tentative pacifiste des socialistes (ex: J. Jaurès, mais assassiné le 31 juillet 1914)

            puis Union sacrée (ralliement de tous les partis au gouvernement: cohésion nationale)

            2/ Phases militaires et principales batailles

-Guerre de mouvement (août-décembre 1914):

            ex de batailles : Marne (All stoppés par armée fra) et Tannenberg (Russes stoppés par All)

 -Guerre de position et d’usure (fin 1914-printemps 1918) :

            guerre des tranchées

            ex de batailles : Dardanelles (Emp Ottoman) en 1915, Verdun et Somme en 1916, Chemin des Dames en 1917

-Guerre de mouvement (1918) :

            offensive All à l'ouest, puis contre-offensive des Alliés (chef unique des alliés : Gal Foch d’où + grande efficacicté

            victoire des Alliés de l’Entente (RU, Fra, Ita, EU)

 

II/ Les caractéristiques du conflit

            1/ une guerre totale

-une mobilisation sans précédent de la population

            les soldats : 70 millions de mobilisés ; en Fra : 8 millions (1/5e des Fra) ; conscription (Fra, All) ou engagement volontaire (RU, EU) ; « enthousiasme » du départ à relativiser (acceptation et résolution, défense de la patrie)

            les colonisés : soldats + main d'oeuvre ; 1 million d’Indiens (GB) , 600 000 coloniaux français (Sénégalais, Marocains…) ; 1 million d'Africains du S-E morts (surtout des porteurs, 650 000 pour Allemands, 350 000 pour Anglais en Tanzanie)

            les civils : travail à l’arrière (femmes: munitionnettes, administrations, commerces, agriculture... ; pas de reconnaissance en Fra: pas droit de vote), touchés par les violences : bombardements (Lens, Londres, Paris 1918...), exactions (viols, mutilations, travail forcé : Belgique, Prusse orientale) ; deuil ; 1er grand génocide (1,5 millions d'arméniens par armée turque en 1915-17) : définition génocide (forgée + tard en 1944): extermination programmée et systématique d'un groupe de civils sur base religieuse et/ou ethnique

-une guerre mondiale

            tous terrains : terre, mer (supériorité anglaise : navires de guerre + marchands), sous mer (U-Boote allemands : guerre sous-marine à outrance ; torpillage du Lusitania américain en 1915 : + 1000 morts), airs (observation, combats des As : Baron Rouge All [As des as, tué en 1918], Fra Guynemer et Nungesser)

            plusieurs continents : guerre surtout européenne ; mais extension avec colonies: Afrique noire, Moyen Orient (Angl/Turcs), Asie (Jap+Chine contre intérêts allemands)

-une guerre économique, industrielle et technologique

            mobilisation financière : emprunt de guerre de l’Etat auprès de la population ; autres moyens financiers : crédits américains (pour Alliés), hausse des impôts, inflation : faire « tourner la planche à billets ».

            intervention de l’Etat dans l’économie : orienter les productions de guerre  (ex : restructurations de l’entreprise Renault vers obus puis chars) ; rupture avec le libéralisme pur du XIXe (pas d’intervention de l’Etat dans l’économie)

            innovations technologiques : armes automatiques (mitrailleuse), artillerie légère (mitrailleuse) et lourde (obusiers), armes chimiques (gaz 1915 : Ypérite), char d’assaut, téléphone pour transmission… Développement de la production (ex : Avions français : 150 en 1914, 3600 en 1918) ; Mais des archaïsmes subsistent (ex: uniforme bleu/rouge, cheval…)

-une guerre mentale et morale :

            censure et propagande : éviter de démoraliser soldats et population civile en masquant la vérité : « bourrage de crâne » (incarné par Clemenceau 1er ministre à partir de 1917).

            exple : loi d’août 1914 en France : interdiction à la presse de publier le nombre de tués, blessés et l’état sanitaire au front

            2/ Une guerre de tranchées: traumatisme physique et moral

-Organisation des tranchées: position en creux (enterrée) ; séparation par no man’s land (champ de bataille) et barbelés ; réseau vers l’intérieur (plusieurs tranchées reliées par boyaux pour approvisionnement) ; harcèlement par artillerie

-Conditions de vie très difficiles (froid, intempéries, boue, difficultés de ravitaillement, vermine[poux, rats], manque d’hygiène [poilus] ; survie, attente, ennui (lettres, journaux, objets)

-Des soldats profondément affectés

            perte de l’amour-propre: saleté, vie au milieu des cadavres (odeur, vue), souvent couchés ou assis

            blessures sans précédent : armes traditionnelles (couteau, baïonnette)  + armes industrielles ; bombardements d’artillerie (canons, mortiers) : 70% des blessures (corps déchiquetés) ; gaz asphyxiant ; séquelles physiques :« gueules cassées », amputés, aveugles… [mais progrès médecine: chirurgie, prothèses…]

            chocs sensoriels : choc visuel (ruines, cadavres déchiquetés) ; choc sonore (explosions, cris des blessés), choc lié au toucher (morceaux de corps sur la peau), choc olfactif (putréfaction des cadavres) ; troubles psychologiques durables (obusite): mutisme, amnésie, tremblements…

Comment tenir ?

            3/ Consentement et brutalisation

-le « consentement patriotique » : fait d’avoir accepté de continuer la guerre

            poids de la contrainte militaire (discipline, pression)

            patriotisme défensif

            moral soutenu : propagande, correspondance (10 milliards de lettres échangées en tout), permissions (renforcées en Fra en 1917), constitution d'une communauté soudée des soldats

-le refus :

            désertions (peu nombreuses; moins de 1% en Fra ; augmentent : Ita, Russ, Autr)

            automutilation (sévèrement punie)

            embusqués (ceux qui ont réussi à ne pas partir)

            mutineries (grèves et révoltes en 1917 partout suite aux « percées » ; répression modérée : 49 fusillés sur 554 condamnés à mort en France [grâce de Poincaré]

            ex: Chanson de Craonne (plateau de l’Aisne, avril 1917 suite à offensive Nivelle: Chemin des dames, annonciatrice des mutineries)

-la brutalisation (historien G. Mosse) :

            accoutumance et intériorisation de la violence de la guerre par les combattants

            généralisation après la guerre dans les domaines politique et social

            conduit à l’avènement du fascisme et du nazisme

 

III/ Bilan du conflit et perspectives

            1/ Bilan humain

-Morts et blessés:  

            10 millions de tués (2 millions d’Allemands, 1,8 millions de Russes, 1,4 millions de Français) ; classe d’âge la plus touchée 20-30 ans.

            20 millions de blessés dont beaucoup de mutilés (amputés, gazés, « gueules cassées »)

-Pertes indirectes:

            1918-20 : épidémie de grippe espagnole : 20 millions de morts dans le monde.

            déficit des naissances pendant la durée de la guerre (environ 20 millions en Europe) d’où phénomène de « classes creuses » particulièrement en France dans les années 1930.

-Problème du deuil :

            + 600 000 veuves en France et 750 000 orphelins

            impossibilité d’oublier: « La der des ders » ; pacifisme (Fra, GB) ou brutalisation (Ita : fasci, All: corps francs) des anciens combattants

-Volonté de commémorer :

            monuments aux morts subventionnés

            fête nationale du 11 novembre (décidé férié en 1922 en France)

            ossuaire de Verdun pour corps non identifiés

-Traumatisme marqué dans l’art et la littérature :

            Ex1:  peintre allemand Otto Dix

            Ex2: témoignages et romans: Barbusse, Dorgelès, E.M. Remarque

            2/ La refonte géopolitique de l’Europe

-Traité de Versailles

            Conférence de Paris (janv-juin 1919) et traité de Versailles (28 juin 1919) : 27 pays, pas les vaincus, pas Russie, dominé par conseil des 4 (Fra/GB/EU/Ita)

            All jugée seule responsable d’où conditions très dures :

Militaire : armée réduite à 100 000 hommes, démilitarisation de la Rhénanie.

Perte de Territoires (1/7e) : Alsace-Lorraine, création de la Pologne avec accès à la mer par le corridor de Dantzig (Allemagne coupée en 2), toutes les colonies au profit des franco-anglais.

Economique : paiement de réparations pour préjudice des destructions causées (montant non fixé mais exorbitant, fixé en 1921 à 132 milliards de marks-or))

-Démantèlement des autres empires

            Dislocation de l’Autriche-Hongrie en 5 Etats : mais frontières des nationalités restent entremêlées (ex : Allemands des Sudètes en Tchécoslovaquie) ; Création de la Yougoslavie autour de la Serbie

            Eclatement de l’Empire ottoman réduit à la Turquie, partage du Moyen-orient entre France et GB.

-Une paix imparfaite

            Pour les Allemands, véritable diktat imposé sans possibilité de négocier (forte rancœur)

            Nombreux points chauds, zones contestées, conflits et coups de force : guerre Grèce-Turquie gagnée par les Turcs, guerre Russie-Pol gagnée par Pol, Dalmatie revendiquée par l’Italie (rancœur contre Alliés), corridor de Dantzig

-Création de la SDN :

            Principe dans les « 14 points » du président Wilson (janvier 1918)

            But : régler les problèmes entre Etats par la négociation ouverte dans une organisation basée à Genève.

            Points faibles : pas d’armée internationale (seulement sanctions morales et économiques), absence d’Etats importants (URSS, EU qui redeviennent isolationnistes, Allemagne seulement admise en 1926).

 

Conclusion 

Première Guerre Mondiale vécue comme une rupture à cause des dégâts et du nouveau rapport à la violence (détestation et imprégnation) : « matrice du XXe siècle ».

Changement de la hiérarchie mondiale (déclin de l’Europe, montée des EU) mais pas vraiment prise en compte

Paix ne règle pas tous les problèmes et en crée de nouveaux 

 

 

2/ Evolution de l'historiographie sur la Première Guerre mondiale

Compte-rendu par F. Le Hech, à partir de l'introduction du livre Jay Winter : La Première Guerre mondiale (2013). Livre disponible au CDI

 

4 générations d'historiens ont travaillé sur cette période :

            1- "génération de la Grande Guerre" :

historiens ayant participé et vécu l'événement qui écrivent juste après (années 1920-30)

vision centrée sur l'Etat

            2- "génération des 50 ans" (fin des années 1950-début des années 1960):

vision centrée sur la société et l'Etat

utilisation de sources officielles non ouvertes avant (règle des 50 ans pour accès aux archives publiques)

rôle des documentaires TV surtout dans les années 1960 : public élargi s'intéresse à la guerre

nostalgie sur la période d'avant-guerre : notion de "Belle Epoque"

apparition d'un courant d'historiens populistes (proche des marxistes): peuples sacrifiés par les élites, cinquantenaire de la Révolution bolchevique

            3- "génération du Vietnam" (années 1970-1980) :

guerre perçue comme une catastrophe (pas de guerre juste)

présentée comme une tragédie absurde, un gâchis

victimisation et violence entremêlées

un des plus brillants historiens : John Keegan ; publie en 1976 : "The face of battle" ; analyse de l'humain dans le soldat ; impossibilité d'échapper à la bataille et à la mort

            4- "génération transnationale" (historiens actuels)

guerre étudiée dans une perspective globale

globalité dans de nombreux aspects: géographie, mutineries, financement, technologies, économie de guerre, commandement, commémorations, traités de paix, apogée des Empires coloniaux, communautés d'expérience de la guerre (ex: population des grandes villes), femmes, réfugiés...

historiens voyagent de + en + (contexte de mondialisation) ; contexte de l'Historial de Péronne (centre de recherches avec historiens Fra, Angl, All...)

volonté d'appréhender la désintégration initiale de l'Europe en 1914 pour comprendre l'intégration européenne des années 1990

 

 

3/ Guerre, pouvoirs, opinion publique dans les pays belligérants 1914-1918

Compte-rendu de lecture par F. Le Hech

 

I/ Guerre et pouvoirs

            1/ 4 conceptions différentes de la guerre pour les Etats belligérants

                        -moyen de puissance et d'expansion

Allemagne: rôle de la Ligue pangermaniste, des militaires, des hauts fonctionnaires ; but: réunir tous les Allemands dans un même territoire

Italie : ambitions territoriales (terres irrédentes [Trentin, Istrie] + Dalmatie) ; traité de Londres (avril 1915) : France et GB acceptent ces ambitions (contre entrée en guerre de l'Italie)

Japon : récupérer les possessions allemandes (Chine, pacifique) ; début de l'expansionnisme (jusqu'en 1945)

                        -moyen de revanche

France: mythe des provinces perdues ; sentiment "revanchard" (ex: Ligue des patriotes créée par Déroulède en 1882)

                        -solution aux problèmes intérieurs (raté dans tous les cas !)

Autriche-Hongrie : mater la Serbie ; empêcher l'éclatement de l'empire

Russie : atténuer les tensions sociales ; faire taire les oppositions violentes

                        -maintien des équilibres internationaux

RU : inquiet de la puissance de la marine allemande ; préserver les intérêts économiques sur le continent (financiers de la City)

EU : liberté du commerce international menacée par l'Allemagne (guerre sous-marine) ; "croisade pour la liberté" ; maintien des relations économiques avec France et RU (industriels et financiers)

            2/ l'opinion publique

                        -enthousiasme ou résignation?

résignation, puis détermination (JJ Becker)

acceptation sur le long terme par : patriotisme, intérêt (industriels, commerçants: "profiteurs de guerre")

                        -pacifisme

conférence de Zimmerwald (1915) par la 2e Internationale : guerre née de rivalités impérialistes, au bénéfice des capitalistes d'où prolétariat contre la guerre

peu d'impact sur les populations

                        -révolte

mutineries et grèves surtout dues à la lassitude au front et aux difficultés quotidiennes à l'arrière

faible impact de la propagande pacifiste

 

II/ Pouvoirs et opinion publique

            1/ Pouvoirs et effort de guerre

concentration des pouvoirs civils et militaires : forte dans Etats autoritaires (Tsar en Russie, chef d'Etat-major Ludendorff en Allemagne), plus limitée dans les démocraties (maintien de l'essentiel du système parlementaire en France et RU

2 moyens à disposition face à l'opinion : propagande ("bourrage de crâne") et répression (de la censure aux exécutions)

            2/ Opinion publique et mobilisation générale

                        -Union sacrée

France: entrée de 3 socialistes au gouvernement en 1914, 1 catholique en 1915

Allemagne: SPD vote les crédits de guerre

                        -Rejet avec révolution

Russie : défaites militaires non acceptées (Tannenberg et Lacs Mazures dès 1914), rôle néfaste de Raspoutine, impopularité de Nicolas II d'où révolution de février 1917

Mais gouvernement provisoire continue la guerre, sans succès. Bolchéviks de Lénine veulent la paix (Thèses d'avril) d'où popularité et révolution d'Octobre.

Armistice puis paix séparée de Brest-Litovsk avec l'Allemagne (mars 1918)

Autriche-Hongrie: la défaite militaire entraîne la dislocation

Allemagne: l'armée cache au maximum la situation catastrophique ; révolution populaire spartakiste écrasée en janvier 1919

 

 

 

4/ Approche de la Première Guerre mondiale (F. Le Hech)

 

 

•         Une rupture essentielle dans l’histoire

- Mythe du progrès indéfini brisé ; mise en cause du «  positivisme scientifique » d’Auguste Comte défini en 1842 (idée que le progrès de l’esprit humain remplace les croyances théologiques)

- Transformation radicale de la carte de l’Europe

-Début d’un cycle guerrier : « guerre de trente ans » 1914-1945 (expression du Général De Gaulle dans le discours de Bayeux en 1946) ; idée reprise actuellement par certains historiens: « guerre européenne de trente ans » (E. Hobsbawm), « guerre civile européenne » (E. Nolte, E. Traverso)  ; idée rejetée par quelques-uns : R. Rémond car implique un déterminisme, M. Ferro (oui pour relation Fra/All, mais non pour le monde : conflit capitaliste/socialiste ensuite)

 -1GM = Matrice du XXe siècle (A. Becker/S. Audoin-Rouzeau)

 

•         Une recherche historique renouvelée [voir aussi la fiche sur J. Winter]

- Avant 1960 : 1GM étudiée dans les Relations internationales

- Années 1960-1990: causes économiques, réactions de la société (arrière)

- Depuis les années 1990 : rôle de G. Mosse (historien américain, longtemps ignoré en Fra) et des chercheurs de l’Historial de Péronne (ouvert en 1992, musée + centre de recherche international, situé en Picardie ; comité directeur international : autour de JJ Becker et Steph Audoin-Rouzeau, J. Winter de Yale, Gerd Krumeich de Dusseldorff…) ; accent mis sur :

                        expérience humaine vécue (pratiques et représentations)

                        thèmes de la brutalisation (G. Mosse), du consentement, de la « culture de guerre »

                        nouvelles sources (lettres, journaux de tranchées…)

-Stimulation de la recherche avec le centenaire en 2014 :

            Site Internet: centenaire.org

            Livres parus ou à paraître: Jay Winter (somme en 3 vol.), près de 500 livres en français en 2014

            Relance de débats: réhabiliter les fusillés? (spécialiste: Nicolas Offenstadt)

            Projet « Europeana collection 1914-1918 » (initiative université d’Oxford, reprise dans 8 pays, dont BNF en France ; collecte de docs auprès du public pour numérisation)

 

  • Réflexion en vue du concours IEP

-Axes à développer:

      les enjeux majeurs de la guerre : questions de la totalisation, de la « culture de guerre », du consentement, de l’expérience combattante

      un tournant fondamental : dans le déroulement (mouvement-position-mouvement) et dans le bilan

-Pièges à éviter:

      ne pas « raconter » les opérations militaires (mais les connaître!)

      ne pas rester franco-français (prendre des exemples ailleurs)

-Exemples de Problématiques :

      En quoi la 1GM marque-t-elle une rupture radicale dans l’histoire de l’humanité?

      En quoi la 1GM constitue-t-elle la "matrice du XXe siècle" ?

      Quelles sont les spécificités profondes de la 1GM?

 

I- La question des origines de la guerre

 

      1/ Une question non tranchée: les responsabilités

-Attentat de Sarajevo (28 juin 1914): François-Ferdinand, héritier du trône d’Autr, assassiné par Princip (serbe de Bosnie, lié à la « main noire »: organisation panslave) ; incident « local », débouche sur une guerre mondiale

-Chaque pays essaie de faire porter la responsabilité sur ses ennemis

            ex: Commission Jagow (ministre All des affaires étrangères) dès 1914: convaincre les neutres en disculpant la Triplice

            ex: article 231 du traité de Versailles: All jugée seule responsable (vision fra de Clemenceau)

-Vision diplomatique longtemps privilégiée: système et engrenage des alliances

-En fait, responsabilités largement partagées

-Débat relancé notamment avec livre de Christopher Clark (historien australien) : Les somnambules. Eté 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre (2013)

            Dans cet ouvrage, le rôle de Guillaume II est minimisé (immature, mais sans prise sur ses ministres ; exple: 28 juillet demande à son chancelier de dire à l’Autriche de se calmer: mais message non transmis) ; responsabilité rehaussée des serbes et du tsar Nicolas II ; irresponsabilité des Fra (n’ont pas su calmer les russes)

            Les chefs d'Etat agissent comme des somnambules qui avancent sans savoir où

                  3 assassinats mettent hors-jeu des personnages attachés à la paix: 1e ministre russe Stolypine (1911), Joseph Caillaux (assassinat par sa femme du directeur du Figaro en mars 1914 d'où personnage éclaboussé), J. Jaurès (pacifiste, 31 juillet 1914)

                  Ouvrage intéressant, mais quand même soumis à débat (notamment par Jay Winter)

 

            2/ L’exaspération des nationalismes (cause essentielle)

-2 formes:       soit outil de cohésion nationale (pangermanisme, Ita)

                     soit réveil des minorités contre les vieux empires (Autr, Emp Ottoman, Rus)

-Course aux armements :        Allongement de la durée du service militaire (ex: 1913: Fra et All, de 2 à 3 ans)

                                          Reconversion de l’industrie vers le matériel militaire (ex: marine: All 1906 développement avec Von Tirpitz qui veut concurrencer la GB, d'où relance de la marine militaire anglaise en 1909)

                                          Existence de Plans militaires qui sont des « scénarios de guerre » (plan Schlieffen All : invasion par la Belg, plan XVII Fra : forces concentrées en Lorraine)

-Course aux colonies : déjà perdue pour All et Ita (unification tardive) face à GB et Fra; question de prestige, mais aussi économique ; frustrations car ne leur restent que des "miettes"

-Minorités nationales contre grands empires : Empire ottoman surnommé «l'homme malade de l’Europe » ; 1878: perte des territoires européens : indépendants (Roumanie, Serbie), Bosnie rattachée à l’Autriche (puis annexée en 1908)                                      Empire Habsbourg: peur de l’autonomie des Slaves du Sud, avec modèle de Serbie

                                                              Empire tsariste affaibli en 1905: défaite contre Jap (Nicolas II les surnomme « macaques » ; 1e défaite face à des non occidentaux) ; tentative de révolution intérieure : « dimanche rouge » en janvier (armée tire sur la foule à St Pétersbourg en janvier 1905 : 100 à 1000 morts, début de libéralisation ensuite)

 

            3/ Un climat de guerre

-Idéologies nationalistes :      Ex Ita: poètes (d’Annunzio, futurisme de Marinetti en 1909 exaltent la guerre comme source de régénération) + irrédentisme contre Autriche

                                        Ex: pangermanisme All: Grande All expansionniste (Mitteleuropa, sur les slaves) : unité des populations germanophones ; parti extrémiste « Ligue pangermaniste » vers 1890

-Plusieurs crises:

            2 crises du Maroc (convoitise impérialiste de Fra, All, Esp, RU):

Tanger en 1905 : Sultan se tourne vers All pour contrer présence Fra de + en + forte ; entrée théâtrale de Guillaume II a Tanger et menace contre la Fra qui recule ; conférence d’Algésiras : règlement international)

Agadir en 1911 envoi d’une canonnière All car Sultan a appelé la Fra pour mater une révolte ; négociation et échange : Maroc pour la Fra contre cession à l'All  d'une zone au Cameroun

            « poudrière » des Balkans :

choc des nationalismes (Autr, Rus, Serbie mais aussi Grec, Bulg, Alb, Ita); 2 guerres

en 1912: tous contre la Turquie (Bulg favorisée)

en 1913 contre Bulg (Serbie gagnante d’où inquiétude de l’Autr!)

 « balkanisation » (Etats petits, faibles et rivaux donc dépendants des grandes puissances)

 

II- Les caractéristiques de la Grande Guerre

 

            1/ Une guerre totale

 

-Evolution de "guerre totale": de l’expression au concept

            1792: Robespierre (discours, guerre contre Prusse et Autr, mobilisation militaire, économique et psychologique)

            1918 : Léon Daudet (titre d’un livre ; homme politique, journaliste et écrivain, fils d’Alphonse, qui glisse vers monarchisme et droite nationaliste, écrit dans le journal L’Action Française)

            1935 : livre « La guerre totale » du général Ludendorff (général en chef allemand 1916-18 ; présente le concept : subordination volontaire de la politique à la guerre ; tire les leçons de la PGM)

Voir ouvrage de l'historien Jean-Yves GUIOMAR: L’invention de la guerre totale (XVIIIe-XXe siècles) (2004) :

            Dans cet ouvrage, origine de "guerre totale" dans la guerre de 1792 engagée par la Fra : objectifs vastes et imprécis (libérer les peuples, étendre la révolution), situation intérieure critique (contre-révolution), impossible d’arrêter la guerre (d’où extension), fusion du politique et du militaire (Napoléon), mobilisation de toute la société

développement au XIXe s: guerre de sécession (1861-65), guerre de 1870

rupture avec Grande Guerre: ampleur spatiale + durée de la violence

-Critères de la guerre totale :              moyens de destruction massifs

                                                     mobilisation dans tous les domaines (éco, polit, culturel)

                                                    effacement de la démarcation civils/milit

                                                    lutte à mort (anéantir l’adversaire)

-Eléments indispensables:      Réorganisation politique: renforcement de l’exécutif, interventionnisme croissant, limitation des libertés            

                                         Economie de guerre: approvisionnement (contrôle prix, rationnement), production industrielle (reconversion), main d’oeuvre

-Une des causes de la défaite All: échec de l’offensive de 1918 car armée All manque de matériel pour la poursuivre

 

            2/ La brutalisation

 

-Concept énoncé par George Mosse (historien américain d'origine allemande) dans :  De la grande guerre au totalitarisme, la brutalisation des sociétés européennes (1990)

            triple dimension:         tournant culturel

                                           prolongement dans 2GM

                                          violence guerrière totale

Banalisation de la violence (à partir de l'expérience de la 1e Guerre) dans les domaines politique et social : conduit au fascisme et au nazisme

-4 raisons qui y conduisent:

            guerre d’usure: attente dans les trnachées (voir conditions : froid, boue, rats, poux…), percées sanglantes et inutiles (ex: offensive Nivelle du Chemin des Dames d’avril 1917: 100 000 morts Fra en 48 heures)

            guerre technique et industrielle: avions de reconnaissance puis de bombardement (ex: Gotha All contre Londres en nov 1916), chars de combat (bataille de Somme), gaz de combat (fournis par firmes Bayer et BASF; Ypres en avril 1915) ; mort industrielle

            guerre inhumaine: « droit de la guerre » élaboré au XIXe bafoué: tir sur blessés et brancardiers

            guerre contre les civils: bombardements, exactions, blocus contre All pour affamer

-Spécificités de la guerre des tranchées:

            Système tactique (guerre d’usure) et système culturel (vie des combattants)

            Problème du ravitaillement: 700 km sur front de l’Ouest; 2/3 M de soldats à nourrir chaque jour

            Maintenir le moral: multiplications des désertions et mutineries en 1917; d'où amélioration du quotidien (ex: Fra en 1917: développement des permissions, , « marraines de guerre », « trains de confort » (=prostituées)…)

Comment et pourquoi les soldats ont-ils accepté cette situation?

 

            3/ Consentement et culture de guerre

-Moyens du consentement:

            Politique: Union Sacrée (cohésion politique) même des socialistes pourtant pacifistes avant-guerre (assassinat Jaurès) ;  entrée de Socialistes au gouvernement en Fra, All, Belg, GB

            Militaire: mobilisation facile et rapide; mais pas dans l’enthousiasme, plutôt résignation unanime

            Dans la durée: très peu de désertions (1% en Fra), mutineries de 1917 limitées (Fra: 554 condamnations à mort dont 49 exécutées); multiplication des « désertions du désespoir » liées à la défaite proche en 1917-18: Russie, Autr (minorités), All, Ita (désastre de Caporetto)

-Causes du consentement:

            Passion nationaliste et haine de l’ennemi (ancrées depuis l’école)

            Propagande (ex: "bourrage de crâne" en Fra)

            Peur de répression (contrainte d’Etat)

-Culture de guerre

Recherche historique actuelle sur « culture de guerre »: représentation (pendant et après) de la guerre pour la rendre acceptable et lui donner un sens

            Retour du religieux avec mobilisation des prêtres

            Mobilisation des intellectuels et universitaires pour justifier la guerre (ex: All : Manifeste des 93)

            Invasion d’objets du quotidien qui banalisent la guerre: jouets, cartes postales…

            Journaux de guerre (ex: 400 en Fra en 1916)

            Utilisation des médias par la propagande

            Combattants héroïsés, ennemis diabolisés

Débat actuel et même polémique très forte entre 2 groupes d'historiens (à connaître)

            Historiens de l'Historial de Péronne (JJ Becker, S. Audouin-Rouzeau, J. Winter...): défendent l'idée d'un « consentement patriotique » et d'une "culture de guerre"

            Rejet de ces concepts par les historiens du CRID-14-18 (créé en 2005, collectif de recherche international et de débat sur la guerre, concurrent de Péronne, principaux: R. Cazals , F. Rousseau, N. Offenstadt) ; pour eux, seul le poids de la contrainte militaire et étatique ) a obligé à obéir + formes de résistances + 4 ans sont insuffisants pour créer une « culture nouvelle »

 

III- L’impossible sortie de guerre

 

1/ La refonte géopolitique

 

-Contexte  : Conférence de Paris (janv-juin 1919) et traité de Versailles (28 juin 1919) : 27 pays, pas les vaincus, pas Russie, conseil des 4 dominant (Fra, GB, EU, Ita)

-E. Hobsbawm (historien marxiste) a parlé de  « la fin de l’ère des empires » ; Dislocation des grands empires

(territoire et régime politique) :

            Allemagne : 1/7e des territoires perdus (Fra, Belg, Dan, Pol, Tchécos) ; révolution nov1918-août1919 : abdication Guillaume II, chancelier puis président SPD Ebert, révolution spartakiste du KPD écrasée (R. Luxembourg, K. Liebknecht), république de Weimar (août 1919)

            Autriche-Hongrie (traités de St Germain et de Trianon ; divisée en 5 Etats)

            Turquie (traité de Sèvres, démantèlement de l'empire ottoman): Arabie indépendante + mandats GB et Fra ; Turquie devient république en 1923 avec Atatürk et récupère certains territoires (après guerre contre Grèce)

            Russie (révolutions de 1917)

Nouveau découpage ne respecte pas les nationalités: All des Sudètes, Hongrois de Transylvanie

Essor théorique des démocraties, mais montée en puissance des extrêmes (socialisme, mouvements autoritaires puis fascismes)

SDN: « sécurité collective » (désamorcer les conflits), sanctions éco et morales, diplomatie ouverte, siège à Genève, surveille les mandats, AG + Conseil (5 permanents : RU, Fra, Ita, Jap + All à partir de 1926) , vote à l’unanimité, pas de moyens militaires, pays absents (All : avant 1926, puis retrait par Hitler, Russie jusqu'en 1934, retrait Jap en 1933, EU)

-Le déclin de l’Europe :

            Question posée dès la guerre: « suicide de l’Europe civilisée » (pape Benoît XV en 1914), "le déclin de l’Europe" (livre du géographe A. Demangeon en 1920)

            Europe en ruines:  3M ha stériles en Fra, flotte marchande GB perdue, dette très forte, forte inflation (Fra 50%)

            Bouleversements éco: concentration capitaliste, rôle de l’Etat accru d’où attente sociale, petite bourgeoisie déclassée (à cause de l'inflation + emprunts russes non remboursés), émergence des pays neufs (agri Can et Argentine, textile Jap, industrie EU)

            Contestation dans les colonies après forte mobilisation

 

2/ Le traumatisme

 

-Une « boucherie » :

            Deuil impossible: 9-10 millions de morts, morts jeunes, morts violentes, blessés et invalides ( 3 M en Fra, 5 en All), « gueules cassées » visibles (cf: Otto Dix), troubles psychologiques

            Livre de Jean-Michel STEG (banquier et historien) : 22 août 1914, le jour le plus meurtrier de l’histoire de France  (2013) : 27 000 morts Fra ce jour-là ; charge à la baïonnette contre mitrailleuses all (+ massacre après) ; contraste entre technologie du XXe et schéma de pensée militaire du XIXe

-La crise morale, intellectuelle et artistique :

Remise en cause du positivisme, renouvellement des thèmes artistiques, rupture par les avant-gardes

Ex: Mouvement Dada (1916-25) : T. Tzara: rejet des « vieilleries » et des codes, dérision ; rupture avec A. Breton (surréalisme en 1924)

-La construction et les enjeux de la mémoire

Malgré les « années folles » (désir de tourner la page), dès 1918, volonté unanime de « ne pas oublier »

      "Tyrannie du témoignage": raconter l’horreur de la guerre

Écrivains morts (Péguy, Apollinaire) ; Dans les années 20: réalisme: R. Martin du Gard (les Thibault), R. Dorgelès (Croix de bois), EM Remarque (A l’ouest rien de nouveau: pacifisme); caractère absurde: Céline, Barbusse…

            Rôle des anciens combattants

Fra: mouvement de masse, caisse de secours, groupe de pression (obtention de retraite en 1930), sociabilité Question de leur orientation politique fait débat: pacifistes sauf Croix de feu (thèse d’A. Prost) mais ils critiquent le parlementarisme (donc préparation au Régime de Pétain ?)

Ita et All: rancœur contre traités et difficultés de réinsertion d’où basculent dans des groupes armés (Corps francs en All, Fasci en Ita), exportent la brutalisation dans la société

      Monuments aux morts: respect dû aux morts d’où dans le champ visuel des vivants

Fra: rapatriement des corps (sépulture) , mais beaucoup non identifiés (ossuaire de Verdun, soldat inconnu en 1921 sous Arc de Triomphe + flamme en 1923) ; 11 nov (férié en 1922) ; loi « commémoration et glorification » en 1919 : monuments subventionnés

Monuments différents de ceux de 1870: partout, publics, pas que les noms des officiers

plusieurs types de monuments (étudiés par historien A. Prost) : nationalistes, pacifistes, la plupart sans contenu politique : civiques et/ou funéraires

 

CONCLUSION

Une nouvelle relation à la guerre, ambivalente: à la fois détestation mais aussi imprégnation

Pourquoi la Grande guerre n’a-t-elle pas été « La der des der » ?