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HISTOIRE DE FRANCE: IIIe République

L’HISTOIRE DE LA FRANCE : la IIIe République (1870-1940)

 

Plan du contenu de cette fiche

 

         1/ COURS : Approche de l’histoire de la France 1870-1940

         2/ Compte-rendu du livre (2014) de Robert Tombs sur la Commune de Paris

         3/ Compte-rendu du livre de Philip Nord (2009) sur les Impressionnistes et la politique

         4/ Résumé de la Documentation Photo n°8101 (2014) : la France sous la IIIe République

         5/ Cours sur la France de 1914 à 1918

         6/ Résumé sélectif du livre de JP Rioux et JF Sirinelli : dictionnaire critique de la France (1914-2000)

         7/ Conclusion de l'article de Nicolas Beaupré (2009) sur l'occupation de la Ruhr

         8/ Résumé de la Documentation Photo n°8081 (2011) : L'économie française depuis 1914

         9/ Cours sur la France dans l'entre-deux-guerres

         10/ Deux Comptes-rendus de livres sur la campagne de France (mai-juin 1940)

 

 

1/ COURS : Approche de l’histoire de la France 1870-1940

 

I/ 1870-1914 : La République imaginée et enracinée

 

            1/ Naissance de la IIIe République dans la guerre

                        a/ Du 2nd Empire à la IIIe République

-Déclaration de guerre à la Prusse le 19 juillet 1870 : 2 nations impériales, surenchère nationaliste en Fra (empereur, républicains), provocation de Bismarck (dépêche d’Ems reformule sèchement à  Napoléon III le retrait du candidat Hohenzollern au trône d’Espagne ; déjà formulé posément par Guillaume Ier), Prusse semble agressée d’où cohésion des Etats allemands

-Faiblesse militaire française : peu de soldats (250 000) ; commandement défaillant (généraux sans stratégie, Napoléon III malade prend la tête de l’armée) ; armement faible ; intendance incompétente ; Alsace envahie en août ; attaque à Sedan le 1er septembre : Napoléon III prisonnier

-Proclamation de la République : 4 septembre, trône déclaré vacant ; création du « gouvernement de défense nationale » (chef: général Trochu, ministre de l’intérieur: L. Gambetta); république proclamée et révolution évitée ; Paris assiégé (19 septembre)

                        b/ Le Républicanisme de guerre

-« Dictature de fait » de Gambetta : quitte Paris en ballon en octobre pour rejoindre Tours ; cumule ministères Intérieur + Guerre ; pas de contrôle par le gouvernement resté à Paris ; décision : guerre à outrance, réorganisation de l’armée

-Echec militaire: fin octobre, reddition du maréchal Bazaine à Metz (150 000 prisonniers) ; décembre 1870 : gouvernement de Tours replié à Bordeaux

                        c/ La République conservatrice et la paix

-Elections législatives du 8 février 1871 :

Républicains divisés : poursuite de la guerre (Gambetta + Radicaux), arrêt (modérés)

Listes d’union des conservateurs: pour paix et libertés, contre Gambetta ; rien sur la forme du régime ; nombreux aristocrates fonciers (1/3 des élus sont nobles) ; divisés entre orléanistes (monarchie parlementaire) et légitimistes (divisés entre ultra et modérés), quelques bonapartistes

-Gouvernement d’Adolphe Thiers

Adolphe Thiers : sage (74 ans), hostile à la guerre (dès le début), pour liberté et ordre, a obtenu 2 millions voix (élu dans 26 départements) : « recours » (homme providentiel en temps de crise)

Nommé « chef du pouvoir exécutif de la République française » (maintien du régime) ; choisit et préside les ministres [tradition jusqu’à aujourd’hui, contraire aux régimes parlementaires]

-Paix et annexion

Convention avec Bismarck : annexion Alsace (sauf Belfort défendu par Denfer-Rochereau) + Moselle ; indemnité de 5 milliards F-or en 3 ans ; évacuation progressive des Prussiens (en fonction des paiements)

Large approbation à l’Assemblée : 546 pour/107 contre ; protestation des députés de l’Est, quelques généraux, gauche (G. Clemenceau, L. Blanc, V. Hugo) ; démission de certains députés républicains

                        d/ « Pacte de Bordeaux » en mars 1871(A. Thiers)

-Compromis avec les monarchistes : Versailles choisie comme capitale (rappel monarchie absolue), forme du régime remise à plus tard

-Versailles face à Paris : avertissement de L. Blanc (républicain, socialiste) : risque de guerre civile ; autorisation aux prussiens de défiler sur les Champs-Elysées ; plusieurs mesures contre les Parisiens : 3 postes stratégiques confiés à des Bonapartistes (préfet de police, gouverneur, chef de la garde nationale), dettes exigibles (ruine commerçants et artisans), journaux révolutionnaires interdits (ex: Le Cri du Peuple de J. Vallès) ; réponse des parisiens: début de fédération des bataillons

                        e/ La Commune de Paris et son écrasement

-Principaux historiens : William Serman , Jacques Rougerie

-Création de Comités dans Paris : la plupart sont populaires, mais pas révolutionnaires, demandent une république démocratique ; députés républicains : choix de la légalité (rupture avec la Commune et blessure profonde) ; pouvoir récupéré par Comité central installé à l’Hôtel de Ville (vite aux mains des révolutionnaires)

-2 pouvoirs ennemis : Thiers veut récupérer les 227 canons des collines (Montmartre et Belleville) : refus de la garde nationale, 2 généraux exécutés (18 mars 1871) ; 26 mars: proclamation de "La Commune de Paris" avec drapeau rouge [interdit ensuite jusqu’en 1899] ; contagion à d’autres villes (Lyon, Marseille…) ; avril: échec de l’offensive contre Versailles (répression féroce) et début de contre-offensive (Maréchal de Mac Mahon)  ; mai : début de Terreur dans Paris (80 otages fusillés, colonne Vendôme abattue…)

-« Semaine sanglante » (21-28 mai 1871) : reprise de Paris d’Ouest en Est (quartiers populaires) ; morts: 900 Versaillais, 10 000 Communards dont « mur des fédérés » au Père-Lachaise  [étude récente de l’historien anglais R. Tombs : voir résumé dans la fiche], 4500 déportés en Nouvelle-Calédonie (cas de Louise Michel, « la Vierge rouge », revient en 1880, convertie à l’anarchisme)

-Une « défaite victorieuse? » : réflexion issue du colloque de Toulouse « penser la défaite » (1999) organisé par P. Laborie et P. Cabanel : héroïsation de la défaite (faits d’armes, sacrifice, mythe inséré dans l’histoire nationale); différence entre court et long terme (application de la démocratie)

            2/ La conquête du régime par les Républicains (1871-1876)

                        a/ La république de Thiers

-Paix de Francfort : 10 mai 1871, avec Bismarck, retrait accéléré des Prussiens (France paie vite le 1er milliard)

-Réorganisation du pays : conscription obligatoire en 1872 (avec tirage au sort et dispenses), maires des villes nommés par le gouvernement : centralisation politique et soumission de l’armée au pouvoir civil

-Choix de la République: causes: conviction personnelle (glissement depuis Orléanisme, élections partielles de juillet 1871 : victoire des républicains), blocage entre royalistes (Comte de Chambord intransigeant sur drapeau blanc et droit divin)

-« Constitution Rivet » : (Jean-Charles Rivet député de Brive) adoptée en août 1871 par Assemblée ;  Article 1 : « président de la république », Art. 2: ses pouvoirs (nomme et révoque ministres, Art.3 : président responsable devant l’Assemblée (limite de son pouvoir)

                        b/ L’échec de l’ « ordre moral »

-Chute de Thiers en mai 1873 : suite à un vote de défiance de l’Assemblée contre le gouvernement (orchestré par Duc de Broglie) ; aussitôt, élection comme président de P. de Mac Mahon (maréchal impérial) ; choix de Broglie comme chef du gouvernement (orléanistes, légitimistes)

-« Ordre moral » : volonté de retour à la monarchie (mais division entre Henri d’Artois et Philippe d’Orléans :choix du drapeau), politique ultra-religieuse (ex: basilique du Sacré-Cœur déclarée d’utilité publique en 1873, construite de 1875 à 1914, effacer les crimes de la Commune ; interdiction des enterrements civils), lutte contre les républicains : 20 préfets destitués, journaux interdits, nomination de tous les maires (loi de janvier 1874)

-Chute de Broglie : vote de défiance en mai 1874 (alliance de circonstance: républicains, légitimistes [certains journaux interdits car critiques])

                        c/ La constitution de 1875

-Amendement Wallon (républicain modéré) : discussion sur la constitution en janvier 1875  ; proposition de faire élire le président de la république par 2 Chambres ; 1 voix de majorité

-3 lois constitutionnelles (février-juillet 1875) : compromis entre républicains modérés et orléanistes modérés ; pas une vraie constitution (pas de préambule avec principes généraux, construction empirique) ; fondements démocratiques élaborés progressivement ensuite (appropriation républicaine) dure 65 ans

                        d/ La victoire des républicains

-Election des 2 assemblées (début 1876) : Sénat (149 républicains, 151 de droite), Chambre (360 républicains, 150 de droite) ; Régions républicaines: Paris, Nord-Est et Sud-Est, Limousin ; enjeu dramatisé par Gambetta (surnommé « commis-voyageur » de la République car multiplie les déplacements ; défense de la laïcité)

-Représentation dans l’art : « le bal du Moulin de la Galette » de Pierre-Auguste Renoir , 1876 ; étudié par Philip Nord (historien EU) ; Montmartre jeune, vivant et populaire, 5 ans après la Commune, technique impressionniste dissidente, espoir démocratique, revanche sur 1871 [voir résumé dans la fiche]

            3/ La République des républicains (1877-1885) Pour Maurice Agulhon : « années fondatrices »

                        a/ La crise du 16 mai 1877

-Républicains contre conservateurs : opposition frontale entre Chambre et président ; Retour de Broglie : 16 mai 1877 rappelé comme président du conseil par Mac Mahon (républicain modéré J. Simon désavoué) ; opposition de la Chambre; ajournement et dissolution par Mac Mahon ; « manifeste des 363 » soude les républicains (Thiers centre droit, centre gauche: J. Ferry et Gambetta, Clemenceau à l’extrême gauche) ; campagne électorale très tendue ; Thiers mort en septembre: véritable cérémonie républicaine pour obsèques (1 million personnes)

-Elections législatives d’octobre 1877 : nette victoire républicaine (malgré un recul) ; soumission de Mac Mahon ; entrée de républicains au gouvernement ; conception parlementariste l’a emporté sur la conception présidentielle du régime ; fin de la dissolution

                        b/ La républicanisation du régime

-Décisions politiques: amnistie pour la presse, nombreux hauts fonctionnaires non républicains remplacés

-Sénat républicain : renouvellement par tiers en 1879, majorité de républicains ; « politique au village » (Gambetta) : campagnes ont changé de camp

-Démission de Mac Mahon (janvier 1879) : refuse de signer les remplacements de militaires ; élection de J. Grévy (républicain de 1848, favorable au pouvoir du parlement) ; début de la « République debout » [historien P. Jeambrun] : ordre et stabilité ; entrée de J. Ferry dans le gouvernement Waddington ; Gambetta président de la Chambre

-Œuvre scolaire de J. Ferry :

Livre de Mona et Jacques Ozouf: « la République des instituteurs »  : dogme républicain du lien entre démocratie et instruction publique 

Principes : positivisme (science et raison face à religion et foi) ; laïcité (enseignement supérieur interdit aux congrégations: jésuites, dominicains…) ; patriotisme : école doit fonder l’unité de la nation (: Le Tour de la France par deux enfants, livre G. Bruno (pseudo de Augsutine Fouillée), sorti en 1877, manuel de lecture au primaire, 2 orphelins lorrains cherchent leur oncle: prétexte à la découverte du pays [géo, histoire, morale...], en 1914: déjà tiré à 7,4 millions exemplaires, utilisé jusque dans les années 1950)

Construction progressive par plusieurs lois [JM Mayeur: « empirisme de la méthode, cohérence du projet »] : 1881 gratuité du primaire, 1882 laïque et obligatoire

-Libertés fondamentales : œuvre essentielle (lutter contre l’arbitraire du pouvoir, établir un socle démocratique, souvenir de leurs propres répressions par les régimes autoritaires du XIXe s)

            liberté des débits de boisson et du colportage (1880): cafés, cabarets, rue (camelots): lieux de la vie publique et politique

            liberté de réunion (juin 1881), mais pas d’association (crainte des congrégations religieuses)                  

            liberté de la presse (juillet 1881) quasi-totale

            liberté des syndicats professionnels (loi Waldeck-Rousseau de 1884 )

            liberté municipale (1882 et 1884) : maires élus (sauf Paris : souvenir de la Commune), vie politique locale            

            liberté de divorce pour faute (loi Naquet de 1884)

            réforme constitutionnelle de 1884: inéligibilité à la présidence des familles ayant régné en France, régime républicain ne peut être changé

                        c/ Le pouvoir des symboles

-Paris, capitale (juin 1879) : Retour des Chambres à Paris (députés: palais Bourbon, sénateurs: palais du Luxembourg), seulement Congrès à Versailles (élection du président) ; « gestion de réconciliation républicaine » [Jérôme Grondeux]

-La Marseillaise, hymne national (1879)

-Amnistie des Communards (1880) : réconciliation, mais aussi inscription dans l’histoire de la République

-14 juillet, fête nationale (1880) : choix de 1790 (concorde, consensus), mais double-sens (prise bastille aussi) ; remplacement du 15 août (fête de la Vierge, choisie par les Bonaparte)

-Marianne, allégorie de la République : [travaux de M. Agulhon] d’abord places et rue « de la République » (+ tard: Gambetta, V. Hugo), bustes placés dans les mairies à partir de 1877 (contraction de Marie et Anne, chanson populaire de 1792), monuments à Paris et en province

-Célébration des Grands Hommes : cortèges funèbres de Thiers (non officiel septembre 1877), obsèques nationales de L. Gambetta (janvier 1883), mort de V. Hugo (mai 1885, incarnation : idéalisme humanitaire, patriotisme, patriarche de la République et de la démocratie ; inhumé au Panthéon, retiré au culte ¨catholique à cette occasion, après 8 h de défilé ; 2 millions personnes

-Statue de la Liberté : initiative privée de A. Bartholdi (alsacien, ami de Gambetta, passion pour la République des EU, jumelle de la France) ; construction à Paris de 1875 à 1884 ; tête exposée en 1879 (expo universelle) ; souscription, assistance d’architectes : Viollet-le-Duc, Eiffel ; 47 m + socle de 46 m ; offerte aux EU (1886)

                        d/ La politique républicaine des Opportunistes

-Opportunistes : recherche du soutien populaire, opposés aux radicaux et aux modérés : Ferry, Grévy, Gambetta

-« parlementarisme absolu »  : 8 gouvernements en 6 ans, Ass a rôle de contre-pouvoir face au gouvernement (critique, éloquence) ; Clemenceau (extrême gauche) surnommé le « tombeur de ministère » (très dur contre J. Ferry)

-« révolution judiciaire » : + 1000 magistrats mis à la retraite (suspects de sympathies cléricales, monarchistes ou bonapartistes)

-politique coloniale: idée défendue par Gambetta et Ferry ; 1881: traité du Bardo soumet le Bey de Tunis à un protectorat (après action militaire de la France) ; seul opposant à la Chambre: Clemenceau isolé (contre inégalité des races) ; protectorat sur l’Annam en 1883, mais difficile conquête du Tonkin; chute de « Ferry-Tonkin » en 1885

            4/ La tentation autoritaire (1885-1897)

                        a/ La crise boulangiste

-Elections de 1885 : 383 républicains contre 201 conservateurs ; pas de majorité claire car plusieurs groupes de républicains (extrême gauche en hausse: radicaux et socialistes) ; plusieurs gouvernements de coalition

-Général Boulanger : très populaire dans l’armée et dans l’opinion (ministre depuis 1885), à droite comme à l’extrême gauche ; revanchard, nationaliste et moraliste ; écarté du gouvernement en 1887 et envoyé à Clermont

-« Scandale des décorations » : découverte d’un trafic d’influence: gendre du président Grévy, D. Wilson, vend la légion d’honneur à ses amis ; démission de Grévy fin 1887 ; Ferry battu à la présidence par Sadi Carnot ; république parlementaire attaquée par le « parti national » (droite + radicaux + socialistes) ; réaction du pouvoir : Boulanger mis à la retraite en 1888, mais gagne des élections partielles (prise de conscience du danger par les radicaux) ; profite de la propagande par la presse

-Sursaut des républicains : lutte menée par J. Ferry et Ch. Floquet (président du conseil) ; réforme du scrutin (candidatures multiples interdites), Ligue des patriotes (P. Déroulède) dissoute ; Boulanger menacé de la Haute Cour (contre sûreté de l’Etat) s’exile à Bruxelles en 1889 ; condamné en 1891

-Conséquences : apparente victoire républicaine (élections de 1889, suicide de Boulanger en 1891) ; en réalité, conduit à l’immobilisme des républicains, voir à la réaction plutôt qu’à la démocratisation (pour se protéger)

                        b/ La République aveuglée

-Un nouveau scandale: Panama : 1888, Compagnie du Canal achète le vote de parlementaires pour obtenir un nouvel emprunt en sa faveur ; 104 députés « chéquards » suspectés ; déchaînement des extrêmes ; affaire judiciaire en 1891-93 ; réflexe républicain et repli sur politique conservatrice

-Ralliement des catholiques et des royalistes à la république : rôle du pape Léon XIII ; peur du désordre social et des socialistes, capacité à résister aux attaques ; formation d’une « droite républicaine » qui soutient les gouvernements modérés jusqu’en 1899

                        c/ La République menacée et refermée

-Nationalisme politique : sentiment populaire au départ, glissement vers une doctrine de l’extrême droite antirépublicaine dans les années 1880 ; P. Déroulède ; thèse de Z. Sternhell « fascisme français » remise en cause

-Antisémitisme : concentration de toutes les attaques (déicide, traître, capitaliste, sans patrie…) en période de crise économique et sociale, de mise en cause de la probité des républicains ; utilisation de xénophobie latente ; livre « La France juive » d’Edouard Drumont (1888) et journal « la Libre parole » (1892), sous-titré « la France aux Français »

-Renaissance du socialisme : plusieurs partis très divisés (y compris face au boulangisme) ; 1893: réunis à la Chambre des députés dans un groupe unique (ascendant rapide de J. Jaurès, élu du Tarn et réflexion sur socialisme et république)

-Anarchistes : rejet de l’Etat ; 1892: Ravachol arrêté après 4 attentats (guillotiné, mais martyr) ; 1893 Auguste Vaillant à la Chambre (que des blessés) ; juin 1894 : président S. Carnot assassiné par Caserio (guillotiné)

-Répression : manifestation du 1e mai 1891 à Fourmies (Nord): 10 morts ; août 1892, grève des mineurs de Carmaux (Tarn) réussie malgré 1500 soldats envoyés : J. Jaurès élu député ; « lois scélérates » de 1893-94 contre les anarchistes (vision très large, exil ou procès d’intellectuels)

                        d/ Une politique impériale

-Alliance diplomatique et militaire avec la Russie en 1892 : régimes très opposés ; retour de la France sur scène internationale ; mobilisation mutuelle contre menaces allemandes et austro-hongroises ; emprunts russes

-Colonisation de l’Afrique : même politique impériale que GB et Allemagne, mais idéologie normalement opposée (démocratie, égalité) ; dynamique politique et sociale en France (« parti colonial », expos universelles, ralliement de la droite) ; multiplication des conquêtes dans les années 1890 ; rivalité coloniale avec GB (1898: affaire de Fachoda), puis apaisement grâce à Entente cordiale (1899, rôle de Th. Delcassé)

-Armée tout puissante : Etat-Major toujours aux mains des aristocrates royalistes (pas épurée contrairement à la justice) ; développement d’un service de contre-espionnage (plusieurs fuites au profit de l’Allemagne) ; cléricalisme et antisémitisme structurel (haine des juifs républicains ayant réussi l’Ecole polytechnique) ; multiplication des duels ; attisé par la presse (Drumont)

            5/ L’Affaire Dreyfus au tournant du siècle (1894-1906)

Lire: Vincent DUCLERC :    La République imaginée (tome 11 de Histoire de France, au CDI) ; Chapitres 5 et 6 (pp 277-407) : pour bien comprendre les enjeux de cette affaire

-Chronologie (très sommaire, donc à enrichir)

22 décembre 1894 : un conseil de guerre condamne pour trahison le capitaine Dreyfus, juif largement assimilé. La presse, unanime, approuve.

13 janvier 1898 : dans une retentissante « Lettre ouverte au Président de la République », titrée « J’accuse ! » et publiée dans le journal L’Aurore, Emile Zola attaque les généraux coupables d’avoir organisé la condamnation d’un innocent. Fondation de la Ligue des droits de l’homme.

juin 1899 : agression par un coup de canne du Président de la République Loubet aux courses d’Auteuil. En réponse, les dreyfusards manifestent à Longchamp.

1899 : gouvernement de « défense républicaine » (Waldeck-Rousseau), allant du socialiste Millerand au progressiste Caillaux ; dreyfusards

19 septembre 1899 : Dreyfus, condamné à son second procès (Rennes), est gracié par le président Loubet. C’est le terme de l’Affaire.

            6/ Les politiques de gauche (1899-1909)

                        a/ Le gouvernement de « défense républicaine » de Waldeck-Rousseau (1899-1902)

-Loi de juillet 1901 : liberté d’association, apparition des partis politiques modernes (Parti radical et radical-socialiste à gauche, Alliance démocratique républicaine de Waldeck à droite modérée) ; départ d’un puissant mouvement associatif au XXe s

-Laïcité : congrégations religieuses soumises à autorisation ; débordé par les radicaux ensuite (interdiction d’enseigner)

-Politique sociale : Alexandre Millerand (socialiste) au gouvernement (1e fois) ; déchirement des socialistes sur la participation au gouvernement (Jaurès pour, Guesde contre) ; repos hebdo + réduction de la journée de travail pour salariés dépendant de l’Etat (effet d’entraînement sur le privé) ; pas de répression des grèves ; œuvre inaboutie (ex: échec sur retraites ouvrières)

                        b/ Le Bloc des Gauches (1902-1906)

-Elections de 1902 : victoire des radicaux,  alliance avec socialistes et républicains de gauche ; 1er ministre: Emile Combes

-Politique anticléricale : fermeture de toutes les écoles religieuses (3000) ; dissolution des congrégations et exil des religieux récalcitrants ; pratique brutale du gouvernement envers les catholiques

-Entente Cordiale: politique de Théophile Delcassé (ministre des affaires étrangères) : rapprochement avec GB, accords bilatéraux en 1904 (fin des problèmes coloniaux, ouverture vers Triple Entente)

-Evolution des socialistes face au bloc : soutien de Jaurès (Journal L’Humanité fondé en 1904), puis Congrès de la IInde Internationale à Amsterdam (août 1904 ; majorité pour l’unification, mais sur base révolutionnaire : rejet de la participation au bloc); Naissance de SFIO: 1905, rupture avec Bloc des Gauches ; rupture de Jaurès avec les réformistes (Briand, Millerand)

-Chute de Combes et recentrage: 1e alerte en novembre 1904: démission du ministre de la Guerre général André: « affaire des fiches » (officiers fichés sur critères religieux, sociaux…) ; démission de Combes en janvier 1905 : perte de soutien, absence de politique sociale ; remplacé par Maurice Rouvier (large majorité) pendant 1 an (vraie politique sociale: 8h/j dans les mines, service militaire 2 ans pour tous…)

-Loi de séparation des Eglises et de l’Etat : votée en décembre 1905, mais préparée sous Combes ; rupture diplomatique avec le Vatican dès 1904 ; fin du Concordat de 1801 ; loi préparée par A. Briand avec souci d’apaisement ; « crise des inventaires » en 1906 (manifestations catho, envoi de l’armée, apaisement par Clemenceau : ministre de l’intérieur en 1906)

                        c/ Le gouvernement Clemenceau (1906-1909) :

-Large majorité : radicaux (réforme de l’Etat), droite (maintien de l’ordre social), socialistes indépendants (Briand, Viviani)

-Répression des grèves: surnommé « briseur de grèves »  ; envoi de l’armée dans le N contre grève des mineurs en mars 1906 (après catastrophe de Courrières: coup de grisou et 1100 morts) ; répression de la grève des vignerons du Languedoc en 1907 (crise de surproduction, 5 morts) ; opposition forte avec CGT (créée à Limoges en 1895) et la SFIO rapprochées depuis « Charte d’Amiens » (1906) ; guerre personnelle entre Jaurès et Clemenceau

            7/ Instabilité gouvernementale et horizon de la guerre (1909-1914)

-« Dégradation de la vie politique » (Madeleine Rebérioux) : professionnalisation des députés, faible politisation, émiettement des groupes parlementaires (8) ; 11 gouvernements en 5 ans

-Rôle grandissant de Poincaré : crise d’Agadir en 1911 ; 1er ministre en 1912 ; thème de la défense de la patrie menacée ; Revanche, nationaliste avant, devient patriotique ; élu président de la république en janvier 1913 (y compris par des radicaux et des socialistes) ; résignation à la guerre

-Des occasions démocratiques manquées: plusieurs tentatives pour progrès des Droits de l’Homme : échec du projet d’abolition de la peine de mort (1908, soutenu par Jaurès, rejeté par l’Assemblée) ; échec de la réforme des bagnes (1912 ; « scandale de Biribi »: bagne militaire d’Algérie où meurtre d’un syndicaliste) ; échec de la réforme du monde colonial (défense des indigènes) ; loi de 1912 : exclusion sociale des « nomades » (tziganes avec carnet anthropométrique » et obligation de le présenter aux maires)

-Montée du nationalisme

2 crises marocaines (1905 et 1911)

Action française de Charles Maurras : mouvement politique (créé en 1898) puis journal (antidreyfusard), puis royaliste et anti-républicain (influence de Maurras), "nationalisme intégral" ; récupère la Revanche

Loi des 3 ans : service militaire allongé en 1913 ; largement voté ; refus par les pacifistes et socialistes dont Jaurès, mais contexte inquiétant (2e guerre balkanique)

Vers l’Union sacrée: attentat de Sarajevo inaperçu en France (passion pour affaire Caillaux: épouse du ministre tue le directeur du Figaro); assassinat Jaurès (31 juillet 1914, ralliement des socialistes)

Conclusion partielle: Une « Belle Epoque »?

Expression utilisée à partir de 1919 pour désigner l’avant-guerre ; mythe d’un âge d’or révolu ; mais aussi point de départ: république acceptée et solide , modernité culturelle de la France   

Foisonnement culturel: avant-gardes (fauves Matisse, cubistes Braque, musique Ravel, Debussy, architecture « art nouveau »), presse avec romans-feuilletons (M. Leblanc: A. Lupin, G. Leroux: Rouletabille, Chéri-Bibi), cinéma (G. Méliès), sport-spectacle (tour de France 1903), ère des techniques: transports (auto, avion)

Mais aspects + contestables: exploitation des colonies, stagnation démographique (1914 : 41,6 millions hab), modernisation économique incomplète (dualité agricole et exode)

 

II/ 1914-1940 : La France d’une guerre à l’autre

            1/ La France et les Français dans la Première Guerre mondiale [voir fiche: cours spécifique]

                        a/ Entrée en guerre résolue, mais difficile

-Mobilisation dans le calme: civisme domine, conviction du devoir, peu de scènes d’enthousiasme, très peu d’insoumis (ne rejoignent pas leur unité ; 1,5%: moins que prévu)

-« Union sacrée » : expression de Poincaré, ralliement des socialistes après mort de Jaurès, gouvernement d’union nationale élargi fin août 1914: soc au centre droit ; Albert Thomas (Soc) ministre de l’armement en 1916

-Premiers combats difficiles: échec de la « bataille des frontières » (recul à 50 km de paris) puis « bataille de la Marne » et enterrement dans les tranchées; 0,5 M morts Fra fin 1914: pas de casque, uniforme voyant, pas de travaux de terrassement)

                        b/ Culture de guerre partagée :

propagande, bourrage de crâne, consentement/contrainte, vision identique du conflit par militaires et civils (repousser l’envahisseur, lutter contre la barbarie, défendre la république et la liberté)

Concepts et débats actuels à connaître et approfondir : « brutalisation » des sociétés européennes (G.L. Mosse en 1990); « consentement patriotique » (S. Audouin-Rouzeau et A. Becker en 2000, Historial de Péronne) face à « contrainte » (CRID 14-18 avec F. Rousseau, N. Offenstadt, R. Cazals)

Poids de la mort et du deuil :lourd bilan, commémorations

            2/ 1919-1924 : le Bloc national au pouvoir

                        a/« Chambre bleu horizon »: élue en novembre 1919

-Composition :  « bloc national » (centre + droite; 430/610 députés) ; gauche divisée ; domination des anciens combattants (44% des députés)

paradoxe: Clemenceau « Père la Victoire » (1er ministre de nov 1917 à janv 1920) pas élu président (contre: socialistes, catholiques, ennemis perso: Briand, Poincaré…) ; retrait définitif (mort en 1929) ; choix du président: P. Deschanel, puis A. Millerand

-Politique de dureté envers l’Allemagne : « L’Allemagne paiera »

stricte application du traité de Versailles ; empêcher son redressement ; 1921: fixation à 132 milliards Marks-or ; incapacité de payer

 janvier 1923: occupation de la Ruhr décidée par Poincaré (+ Belges) ; résistance passive soutenue par gouvernement allemand (grèves, sabotages…)

échec pour tous : France isolée et fragilisée financièrement : fuite des investisseurs ; retrait à partir de fin 1923 ; rééchelonnement avec Plan Dawes en 1924  ; Pour Allemagne « Année inhumaine » (occupation, inflation galopante, putsch de la brasserie de Munich par Hitler) [voir article de Nicolas Beaupré dans la fiche]

-Crainte du bolchevisme :

concession aux ouvriers (avril 1919: journée de 8h) 

mais grèves de 1920 réprimées (mines, chemins de fer : 100 licenciements à Brive sur 1200 cheminots après grève d’1 mois); affaiblissement du mouvement ouvrier

éclatement de la SFIO au congrès de Tours (dec 1920) :3/4 des délégués adhèrent à la IIIe Internationale de Lénine ; scission ; création de la SFIC (PCF) ; Cachin/Blum ; scission syndicale en 1921 : CGTU/CGT

                        b/ Politique de réconciliation nationale

-Apaisement face aux catholiques: réinstallation des congrégations en France (contrepartie au prix du sang des religieux) ; continuation du Concordat en Alsace-Moselle ; consensus autour de Jeanne d’Arc depuis la guerre (canonisée en 1920, institution d’une fête nationale en mai 1921) ; reprise des relations diplomatiques avec le Vatican (1921)

mais ralliement incomplet des cathos: pas de grand parti-démocrate-chrétien (base étroite du christianisme social de Sangnier) ; réveil de l’anticléricalisme de gauche (radicaux, SFIO)

-Refus du renforcement du pouvoir exécutif : refus de Clemenceau à la présidence ; échec de Millerand à imposer ses vues (révision constitutionnelle) ; Poincaré (président du conseil 1922-24) mis en minorité malgré stabilisation du Franc (politique de rigueur mal acceptée)

            3/ 1924-1928 : Cartel des Gauches, puis retour de Poincaré

                        a/ Le Cartel des gauches (1924-26)

-Alliance électorale radicaux-SFIO : proposée par E. Herriot ; SFIO: soutien sans participation au gouvernement ; thèmes: lois sociales, fin de la rigueur, laïcité combative, respect de la SDN

Une victoire électorale en trompe-l’œil : pas de majorité absolue, maintien de la droite, nouvelle opposition communiste ; bras de fer avec Millerand forcé à la démission (remplacé par G. Doumergue, radical indépendant)

-Echecs du Cartel (gouvernements Herriot, puis Painlevé, Briand)

décision symbolique : transfert des cendres de Jaurès au Panthéon (nov 1924) ; double opposition des extrêmes : PCF (république illégitime à lui rendre hommage) et AF

volonté de retour à une politique laïque : échec (face à l’opinion publique) des projets de fin de concordat en Alsace, rupture avec Vatican, expulsion des congrégations

timidité de la politique sociale : désunion progressive de la SFIO

échec sur la question financière : France très endettée ; refus d’un impôt sur le capital « mur d’argent » (Herriot) ; refus de liquidités par banque de France ; forte inflation

                        b/ Le retour de Poincaré (1926-28)

-gouvernement d’ « Union nationale » : rappel de Union Sacrée ; refus courtois de SFIO ; opposition des extrêmes ; toutes autres tendances représentées (y compris Herriot, Briand…)

-stabilisation du Franc: hausse des impôts, économies budgétaires, baisse de la dette ; 1928: dévaluation du Franc et retour à la convertibilité-or: 1/5e de la valeur de 1914 ; acceptation mais traumatisme (refus de dévaluer pendant la crise contrairement à EU et GB)

-lutte judiciaire contres les extrêmes : certains députés communistes emprisonnés, idem contre autonomistes alsaciens, idem contre Léon Daudet (AF) ; AF affaiblie, concurrencée par Les Croix de Feu (assoc anciens combattants transformée en mouvement politique par François de La Rocque à partir de 1930) ; échec de la judiciarisation (car visibilité accrue) ; recul des extrêmes plutôt dû à la bonne situation économique et sociale

-retrait de Poincaré en juillet 1929 : victoire aux législatives de 1928 ; mais retrait des radicaux de l’Union (pression de l’aile gauche: Daladier) ; politique extérieure conciliante (pacte Briand-Kellogg, plan Young) mal acceptée à droite ; démission et retrait de la vie politique ; tournant important: retour de l’instabilité ministérielle, nouvelle génération moins attachée à la République ; contexte de crise

            4/ Les années 1930: la république et la démocratie menacées

Plusieurs crises distinctes qui finissent par se rejoindre et s’additionner

                        a/ Crise et dépression économiques et sociales

-Une crise discrète et tardive ?

vision traditionnelle (Alfred Sauvy) : Fra touchée seulement à partir de 1931 et moins que les autres pays

 nouvelle lecture (Jacques Marseille) : fleurons industriels exportateurs touchés tôt (auto: surproduction dès 1929), intervention de l’Etat pour éviter des faillites industrielles, 670 faillites bancaires (1e: affaire de la Banque Oustric en 1930, puis contagion ; 15% du réseau), exportations défavorisées (politique du Franc fort face aux dévaluations: GB en 1931, EU en 1934), surproduction agricole dès 1927 et effondrement des prix

-Un chômage masqué : statistiques très partielles (pas de système général d’assurance-chômage ; application très restrictive: pas longue durée, pas jeunes, pas vieux) ; départ de la main d’œuvre immigrée (800 000 de 1926 à 1931, volontairement ou mesures incitatives de l’Etat) ; retour au foyer des femmes (330 000 licenciées entre 1931 et 1936)

-Le repli sur l’empire colonial : une solution ?

Tendance à l’autarcie entre métropole et colonies (pas de barrières douanières, protectionnisme extérieur) ; paupérisation des campagnes : faillite de l’artisanat et de la paysannerie indigènes (concurrence des produits français) ; exode rural massif et bidonvilles

Triple divorce: capitalisme/impérialisme (milieux d’affaires se détournent, alors que l’Etat célèbre: expo coloniale de Vincennes de 1931), colonisés/colonisateurs (mouvements de contestation), développé/sous-développé (retrait des capitaux investis)

-Les politiques face à la crise :

Sentiment partagé d’une crise exogène et obsession de toutes les élites: rigueur budgétaire et Franc fort (voix discordantes peu entendues: Blum, PMF, P. Reynaud)

Politique de dépenses sociales du gouvernement Tardieu en 1930 remises en cause (sauf Ligne Maginot)

Choix de la déflation par P. Laval (1935)  : baisse des salaires des fonctionnaires (10%) et des dépenses pour soutenir le Franc et faire baisser les prix : échec sur les prix, exportations pénalisées

                        b/ Instabilité ministérielle et crise politique

-« Valse des portefeuilles » à partir de 1929 :

29 gouvernements entre 1929 et 1940 ; Période 1929-32: 5 chefs de gouvernements (Briand, André Tardieu, Pierre Laval…) ; violence verbale à la Chambre ; virulence des extrêmes (ex: Ch. Maurras : appel aux meurtres de députés, Juif Blum)

-exploitation de scandales réels ou supposés

Ex1: affaire Oustric: chute de Tardieu en 1930 ; faillite frauduleuse de banque liée à des politiques (ministre de la justice Péret) ; dettes épurées par l’Etat

Ex2 : émeute du 6 février 1934: affaire Stavisky

Ex3 : suicide de Roger Salengro (ministre de l’Intérieur du Front Pop) en 1936 ; campagne de presse d’extrême droite infamante: déserteur, ivrogne, homo (car était à l’origine de la loi qui a dissout les Ligues)

                        c/ Les mouvements extrémistes :

-Anciens : Action Française (avec Camelots du roi) dissoute en 1936 (certains créent La Cagoule, organisation terroriste contre la République) ; Croix de Feu (nationalisme, régime autoritaire, antiparlementarisme, mouvement de masse)

-Nouveaux: mouvements fascistes avec peu de militants, dissous en 1936 ; Solidarité Française (François Coty, 1933) ; Francisme (Marcel Bucard, 1933)

-Paroxysme de la crise: 6 février 1934 : nature de l’émeute discutée (coup d’Etat ou pas) ; perçu comme tel par la gauche (prise de conscience du besoin d’unité)

Débat historiographique:

            -Serge BERNSTEIN preuve de l’échec de la greffe fasciste en France

            -Nicolas BEAUPRE imprégnation du fascisme en France par visibilité et activisme ;  partage de valeurs avec d’autres composantes de la droite (ex: anticommunisme), nouveau style (meetings, défilés, drapeaux, salut…) héritage dans le PPF de Jacques Doriot (exclu du PC en 1934)

                        d/ 1936-38 : Le Front Populaire [voir fiche Rioux/Sirinelli + cours sur le monde ouvrier]

-Alliance électorale :

Changement tactique de Moscou en 1934: alliances anti-fascistes ; élections municipales de 1935 : alliance PCF/SFIO (gain de grandes villes: Marseille, « ceinture rouge » autour de Paris) ; jonction avec Radicaux en octobre 1935 (lutte Herriot/Daladier) ; réunification CGT/CGTU en mars 1936

Programme politique : « pain, paix, liberté » ; défense de la République (dissolution des Ligues) : antifascisme à l’intérieur mais politique d’apaisement à l’extérieur ; relance (nationalisations, mesures sociales)

Victoire électorale pas massives, mais: désistement et redistribution à gauche (baisse des radicaux, hausse des autres) ; 376 députés contre 225 à droite ; soutien du PC sans participation.

-Œuvre sociale importante

Mouvement social : grèves et occupations d’usines ; accords de Matignon (juin 1936): 2 semaines congés payés, 40h/sem (au lieu de 48), conventions collectives, hausses de salaires

-Intervention économique:

Réorganisation de la Banque de France ; Nationalisations : SNCF en 1937, industries d’armement et aéronautiques (début de réarmement) ; création de l’ONIB (régulation du marché du blé) ; résignation à la dévaluation à l’automne 1936 (30%)

-Les oppositions

Préparation de la « revanche des patrons » ; fuite des capitaux (perte de 40% du stock d’or de la Banque de France en 18 mois 1935-1936) d’où affaiblissement économique et financier ; presse d’opposition (audience de l’antisémitisme radical + anticommunisme) ; 2 nouveaux partis en juin 1936 : PSF (conservateur, 500 000 adhérents) et PPF (fascisant, 120 000 adhérents) ; climat de tension

-La fin du Front :  ajournement des mesures sociales en 1937 : « pause » (rassurer les patrons, sans succès), radicaux contre mesures financières, critiques du PC contre la pause, question de guerre d’Espagne ; désunion du Front (Blum démissionne en juin 1937, remplacé par Chautemps, échec en 1938)

-Daladier et le gouvernement de « défense nationale » (avril 1938-mars 1940): Rad + droite ; dévaluation, retour des capitaux, assouplissement des 40 h (pour faciliter le réarmement), reprise économique, durcissement face à l’Allemagne (après Munich)

                        e/ Une politique étrangère coupable de négligence

-« Union européenne » de Briand : projet proposé à la SDN en 1929 ; projet fédéral ; abandonné en 1932 (dévoiement de l’All) ; autres revers Fra face à All (ex: abandon des réparations en 1932)

-Atermoiements face aux offensives d’Hitler : volonté de déchirer le Traité de Versailles derrière façade pacifiste

ambassadeur Fra en All, André François-Poncet lucide, mais aveuglement en Fra (énormité de Mein Kampf, pacifisme ambiant, moindre intérêt pour l’étranger, succession rapide des ministères) ; désunion entre les pro-rapprochement avec URSS et les pro apaisement

-Signes d’apaisement :          

pas de campagne électorale en Sarre face aux nazis (1935, P. laval),

réarmement (1935) sans réponse (conférence de Stresa avec Ita et GB, mais pas de sanctions ; puis désunion à cause de l’invasion de l’Ethiopie) ;

remilitarisation de la Rhénanie (1936): campagne électorale en Fra + pessimisme de l’état-major face à puissance allemande + crainte de l’isolement face à appeasement de GB (presque aucune réaction)

 non-intervention dans la guerre d’Espagne (rad + GB contre ; peu après en septembre 1936, discours de Luna Park de Blum: plan de réarmement Fra annoncé) ;

Anschluss (mars 1938) : simple protestation

Sudètes: minorité allemande (3 millions pers) de Tchécoslovaquie excitée par des nazis locaux avec soutien de Hitler ; Fra alliée de la Tchécoslovaquie mais GB et URSS réticentes à intervenir ; profond dilemme en Fra: intervenir ou céder ; rôle majeur de Georges Bonnet, ministre des affaires étrangères, hostile à toute intervention ; souvenir du risque d’engrenage des alliances (comme pour 1e GM) ; partis politiques très divisés ; Daladier plutôt favorable à la fermeté ; conférence de Munich à 4 (sans les Tchèques) : Daladier rejoint la position de la GB (1er ministre Chamberlain) pour l’appeasement et cède à Hitler

-Le tournant tardif de la fermeté

Printemps 1939: occupation militaire allemande de la Rép tchèque, invasion italienne de l’Albanie ; retour contraint des démocraties à la fermeté

Prochaine cible évidente: Pologne (et ville libre de Dantzig) ; GB et Fra garantissent leur soutien à la Pol et cherchent à s’allier à l’URSS ; Staline choisit finalement l’Allemagne (pacte de non agression + secrètement, partage de la Pol)

Débat : comparaison entre crise actuelle et celle des années 30 ? voir historien Olivier Dard, politologue JY Camus et sociologue Erwan Lecoeur

            Apparences communes: extrême droite forte, antisémitisme/islamophobie, crise économique et sociale

            Fortes différences : stabilité politique et Etat régulateur, stratégie du FN (respect des urnes), nature de la crise (financiarisation)

            « Référence traumatique » avec instrumentalisation politique du FN (nouveaux totalitarismes : mondialisme et islamisme ; refus de la comparaison pour se « dédiaboliser ») 

            5/ La France pendant la Seconde Guerre mondiale

                        a/ Drôle de guerre et défaite [voir comptes-rendus de livres dans la fiche]

-Guerre défensive de la France: entrée All en Pol le 1er septembre 1939 (pari perdu d’Hitler de l’abstention des démocraties ; risque de guerre sur 2 fronts); pas d’application stricte de la Blitzkrieg (divisions blindées non séparées de l’infanterie ; victoire rapide due à : massivité et violence de l’attaque) ; déclaration de guerre par la Fra le 3 septembre 1939 (soutien à la Pologne), attente derrière la ligne Maginot, « drôle de guerre »

-Campagne de Fra (mai-juin 1940) : pas de Blitzkrieg généralisé All (ce sera une conséquence de sa victoire), « phobie de la guerre des tranchées » de l’EM (Robert Paxton) : éviter une guerre en Fra d’où avancée en Belg (piège souhaité par les All) ; « coup de faucille » (blindés de Guderian à Sedan et remontée vers le Nord-Ouest, pas prévu au départ) ; écrasement Fra (accentué par exode : 10 M pers, différence avec repli de 1914) ; 60 000 morts Fra (30 000 All) en 6 semaines (taux comparable à la 1e GM) ; « L’étrange défaite » (livre de M. Bloch: retard de l’armée: infos et manœuvres)

                        b/ Mort de la IIIe République

-Choix de l’armistice : pouvoir divisé ; civil: gouvernement Reynaud (depuis mars 1940) ; pouvoir militaire : général Weygand (à la place de Gamelin limogé en mai 1940)

Solution Reynaud, De Gaulle (sous-secrétaire d’Etat), Churchill: capitulation militaire et continuation du combat (Afrique du Nord, Bretagne) ; minoritaires

Solution Weygand, Pétain (ministre de la guerre) : demande de l’armistice (soumission politique) pour sauver l’honneur de l’armée ; Pétain, président du Conseil le 17: annonce l’armistice + discours-programme (moment-clé de la rupture avec le régime) ; signature de l’armistice le 22 juin 1940 à Rethondes (humiliant: symbole du lieu, 1,8 M prisonniers, territoire coupé, armée faible, frais d’occupation)

Division profonde: responsabilité de la défaite, capacité à gagner la guerre

-10 juillet 1940: pleins pouvoirs à Pétain ; 2 chambres réunies en Assemblée Nationale à Vichy ; rôle grandissant du vice-président du conseil : Pierre Laval ; 570 Pour (1/2 Droite, ½ Gauche) ; seuls 80 parlementaires votent contre (Blum, Labrousse), surtout gauche ; 21 abstentions (H. Queuille) ; PCF interdit (déchus depuis septembre 1939) ; 176 absents (dont 27 du Massilia : paquebot Bordeaux-Casablanca, voulu pour faire gouvernement en exil, départ le 21 juin, plusieurs arrêtés à l’arrivée: Daladier, Mandel) ; parlement ajourné et président de la république (Albert Lebrun) congédié

 

Conclusion :

IIIe République, qui a pourtant résisté à la 1GM, meurt dans la 2GM, comme d'autres régimes auparavant (1815 et 1871)

« Suicide politique » (R. Paxton) du parlement, mais aussi des Français (traumatisme: exode, défaite) qui se jettent dans les bras de Pétain, qui apparaît comme ultime recours ou homme providentiel.

Malgré tout, Français ont intériorisé une "culture républicaine", élaborée à la fin du XIXe siècle, faite de valeurs (devise + laïcité), de symboles (mairie, Marianne, 14 juillet...) et de rites (vote, lecture de la presse...).

 

 

2/ Robert TOMBS : Paris, bivouac des révolutions. La Commune de 1871 (2014)

(Article de Presse paru dans le journal Libération)

 

La Commune de Paris fut recouverte de tant d’analyses et d’explications divergentes, encombrée de tant de fantasmes et de mythes, qu’en proposer une synthèse claire pouvait sembler illusoire. C’est «un sphinx», avait écrit Marx, qui «met l’entendement à rude épreuve». Le livre de l’historien anglais Robert Tombs réussit pourtant cet exploit : offrir de la Commune un récit simple et vivant, qui chemine parmi les événements et les interprétations avec une sorte d’évidence tranquille et de malicieuse distance critique.

On y trouve d’abord la relation détaillée de ces soixante-douze jours qui ébranlèrent le pays, depuis le célèbre 18 mars 1871, jour où des milliers de Parisiens s’opposent à l’enlèvement des canons de la butte Montmartre, jusqu’aux massacres de la Semaine sanglante, à la fin du mois de mai. Sans gommer les conflits qui opposaient les différentes tendances (blanquistes, jacobins, proudhoniens, internationalistes, etc.), l’ouvrage montre aussi ce qui fit l’identité politique de ce moment : le désir d’autonomie communale, qu’on entendait étendre à toutes les localités du pays dans un idéal de libre fédération, la notion de pouvoir «délégué», donc toujours révocable, l’anticléricalisme, le respect de la propriété mais assorti de mesures sociales (sur les salaires, les loyers, le mont-de-piété), le programme d’«éducation nouvelle».

Mais la grande force du livre tient surtout à la minutieuse remise en contexte qu’il opère. Car en dépit de l’extrême politisation du peuple de Paris, la Commune n’est pas réductible à un projet ou un programme. Tombs montre au contraire tout ce qu’elle doit aux transformations sociales de la ville, que les travaux d’Haussmann viennent de bouleverser ; ce qu’elle doit à la guerre franco-prussienne et au siège, qui ont radicalisé et soudé les Parisiens dans un patriotisme exacerbé ; ce qu’elle doit encore au mécontentement face à une assemblée monarchiste et à un gouvernement de «capitulards» qui ont choisi de s’installer à Versailles et de désarmer le peuple résistant. Il souligne combien la culture politique de cette ville, que domine une population d’artisans, de boutiquiers, de petits entrepreneurs et d’ouvriers qualifiés, s’enracine dans le monde d’hier, celui de la Révolution française, des références à 1792, de la levée en masse. Il se met surtout à l’écoute des acteurs, dans un essai d’histoire «compréhensive» qui récuse tout autant l’héroïsation que l’anachronisme ou la théorisation intempestive. D’où une lecture par le bas qui insiste sur le poids des circonstances, sur les incertitudes et les incohérences, l’imprévisible et l’irrationnel, «le chaos et les frictions», en bref la dynamique de l’événement. Ce faisant, le livre de Tombs, dégagé de toute carapace idéologique, restitue le «Paris libre» de 1871 à ceux qui l’ont vécu, ce qui est sans doute le plus bel hommage qu’on puisse leur rendre.

Professeur au Saint-John’s College de l’université de Cambridge, Robert Tombs est l’un des principaux spécialistes britanniques de l’histoire de France. Il était récemment à Paris pour présenter la version française de son livre.

Que représente la Commune de Paris en Grande-Bretagne ?

Pas grand-chose. Les Anglais aiment bien le passé, ils adorent visiter les châteaux ou lire des biographies, mais ils ne s’intéressent pas vraiment à l’histoire, hors de quelques grands événements comme la Seconde Guerre mondiale. Quelques jeunes voient cependant dans la Commune un symbole de révolte ou de dissidence culturelle. Il y eut à la fin des années 1980 un groupe new wave qui s’appelait The Communards.

Et votre rencontre personnelle avec la Commune ?

C’était au lycée. L’histoire de l’Europe depuis 1870 était au programme, et j’ai lu alors plusieurs livres sur la Commune comme ceux de Michael Howard ou d’Alistair Horne (1). J’ai eu la chance ensuite, étudiant à Cambridge, d’avoir de très brillants professeurs qui étaient spécialistes de la France : Christopher Andrews, Simon Schama, Tony Judt, ou encore John Patrick Bury, auteur d’une biographie monumentale de Gambetta. J’ai donc fait de l’histoire française. Mais je suis venu à la Commune par les Versaillais. Ma thèse, dirigée par Bury, portait sur la répression militaire de la Commune (2).

Votre livre insiste fortement sur la dynamique des événements.

Je pense que l’événement est né de circonstances très particulières. Evidemment, il s’inscrit dans une longue tradition politique, celle des révolutions et des mobilisations populaires dont on sait l’importance en France depuis 1789. Mais les faits déterminants furent la guerre franco-prussienne et le siège de Paris. Ils ont bouleversé le jeu politique traditionnel, ouvert des possibilités inédites et surtout armé la population masculine, ce qui la rendait disponible pour une action révolutionnaire.

Vous pensez à la garde nationale ?

Oui. La Commune fut une révolution menée par la garde nationale, qui n’était rien d’autre que le peuple en armes. On trouvait en son sein toutes les composantes, et donc toutes les options politiques du peuple parisien. La garde était organisée localement, en bataillons qui reflétaient la diversité sociale et politique de chaque quartier. Evidemment, c’était pour défendre la France et Paris contre les Prussiens, mais cela a aussi rendu la révolution possible. La garde nationale avait aussi un rôle économique : les hommes touchaient une solde de 30 sous. Je ne veux pas dire que les communards se sont battus pour de l’argent, mais à un moment où la guerre et le siège avaient désorganisé la vie économique, une partie des ouvriers dépendait de cette solde, qui permettait de nourrir une famille.

Les solidarités de voisinage furent aussi décisives dans la mécanique des engagements.

Oui, mais ces solidarités s’étaient établies durant le siège. Il faut imaginer que, dans chaque pâté de maison, tous les hommes valides s’étaient engagés dans la garde nationale pour combattre les Prussiens. Ils se connaissaient, élisaient leurs officiers, formaient un microcosme armé, patriotique, démocratique. Au moment des combats, beaucoup ont donc suivi leur bataillon, par camaraderie, par fierté, par devoir. Tout cela compta autant que les idées politiques. Le nombre des hommes qui ont porté les armes était bien supérieur à celui de ceux qui ont voté pour l’extrême gauche en 1870 ou même pour la Commune aux élections de mars et avril 1871.

Vous tentez aussi de saisir l’attitude des autres, les indifférents, les attentistes.

La Commune de Paris ne fut pas en effet celle de tous les Parisiens. Un tiers des habitants avait quitté la ville, certains pour fuir la révolution, d’autres pour respirer ou se reposer à la fin du siège. Et beaucoup de ceux qui restaient n’étaient pas favorables à la Commune. Mais peu s’opposèrent ouvertement. La Commune était le gouvernement légal de la ville, elle occupait l’hôtel de ville, dirigeait les services municipaux, assurait le ravitaillement. Beaucoup de personnes ont donc continué d’obéir aux autorités, comme ils l’avaient toujours fait. Paradoxalement, une partie de l’autorité de la Commune tient davantage à sa légalité qu’à son caractère révolutionnaire.

En 1871, les femmes ont joué un rôle important. Mais la Commune n’a, selon vous, guère contribué au déplacement des frontières de genre.

On vit en effet des femmes porter des uniformes, des fusils, travailler aux barricades, mais cela avait déjà été le cas en 1830 ou en 1848. En fait, ce sont les Versaillais qui ont accentué le rôle des femmes, afin de discréditer un peu plus la Commune, de montrer qu’elle constituait une subversion majeure des normes et de la moralité. La figure extrême, c’est «la pétroleuse». Et cela est resté dans la presse, la littérature, les caricatures. Il y eut certes des clubs de femmes, certaines occupaient des positions dans l’administration, les écoles libres, les coopératives de production, et un petit nombre de femmes, c’est sûr, a aussi pris les armes. Mais on a exagéré l’ampleur de ces actions. La plupart des femmes ont rempli des rôles conventionnels, infirmière, cantinière, institutrice, et aucune d’entre elles n’a réclamé de droits politiques.

Vous révisez aussi à la baisse le nombre des victimes de la Semaine sanglante.

Il ne s’agit nullement de nier la violence de la répression. Les Versaillais, qui décrivaient les communards comme des ivrognes et des criminels, se sont conduits avec une extrême férocité, dans les combats d’abord, puis en fusillant sur place beaucoup de ceux qu’on trouvait les armes à la main. De 1 000 à 2 000 personnes ont probablement été fusillées après un jugement sommaire, et le nombre total de tués s’élève sans doute à 7 000. C’est beaucoup, mais on est loin des 17 000 fusillés et des 30 000 victimes rapportées par la tradition. Cette idée d’une apocalypse sanglante a été formulée par les communards exilés à Londres, qui n’avaient pas la moindre idée du nombre réel de morts.

Votre livre tord le cou à nombre d’«idées séduisantes», mais qui ne résistent pas à l’examen des faits. Pourquoi la Commune a-t-elle suscité tant de mythes ?

Tout commence avec Karl Marx qui, dans un pamphlet écrit à chaud, érige la Commune en prototype du gouvernement révolutionnaire. Engels compléta la théorie en la décrivant comme la première dictature du prolétariat, donc comme le modèle de toutes les révolutions à venir. Une lecture héroïsée en a résulté, portée en large partie par les partis communistes. Mais les communards, Lissagaray en tête, ont aussi donné une version romantique, flamboyante, qui devait montrer que la révolution restait possible. Plus tard, on compara la Commune et la Résistance, Versailles et Vichy, pour démontrer que c’était le peuple qui défendait la patrie, pas la bourgeoisie.

Quelle part les historiens étrangers apportent-ils à l’histoire de la Commune ?

En France, les travaux décisifs furent ceux de Jacques Rougerie, qui m’ont beaucoup inspiré. Mais le centenaire de 1971 fut suivi d’une éclipse. Le relais a été pris par des étrangers, qui n’avaient pas participé à ce moment. J’ajouterai que dans les universités anglaises ou américaines, les jeunes historiens qui travaillent sur la France sont souvent assez seuls, loin des centres ou des programmes de recherche. Cette liberté peut se révéler créatrice. En France, questionner la Commune était souvent taxé de sentiments anticommunards. De telles contraintes ne pesaient pas sur nous.

(1) Michael Howard, The Franco-Prussian War, 1961 ; Alistair Horne, The Fall of Paris, 1965. (2) Traduite en français sous le titre la Guerre contre Paris, Aubier, 1998.

 

 

3/ Philip Nord : Les Impressionnistes et la politique (2009)

(compte-rendu publié par le site Internet : http://www.histoire-politique.fr)

 

Dans son ouvrage précédent, malheureusement non traduit en français, Philip Nord, professeur d’histoire à l’université de Princeton, s’était attaché à montrer que les premières décennies de la Troisième République, qu’il appelle le « moment républicain », avaient établi un climat de liberté dont avaient, en particulier, bénéficié les milieux juifs, protestants, artistiques et, d’une manière plus générale, les classes moyennes. Dans cet essai historique, l’universitaire américain reprend le dossier concernant les artistes peintres afin d’éclaircir la question du rapport entre art et politique. Se pose en effet la question de l’ambiguïté des liens que les impressionnistes ont noués avec les républicains. La commune envie de secouer un régime liberticide et un académisme sclérosant ne cachait-elle pas la défense d’intérêts moins… désintéressés ? La coïncidence entre l’installation de la République et le développement du marché de la peinture peut en faire douter. Au point qu’est parfois mise en doute l’affirmation du caractère innovateur de la nouvelle peinture. Les soi-disant anticonformistes n’auraient-ils été que des artistes… opportunistes ? Leur dénonciation de l’art établi n’aurait-elle été qu’une technique de promotion de leurs œuvres auprès d’un public bourgeois, clientèle d’un réseau indépendant de marchands et de galeries ? Philip Nord prend cette question à bras le corps, examinant, simultanément, les liens entre les personnes, les proclamations esthétiques et politiques, les vecteurs de diffusion des œuvres artistiques. Il observe attentivement la nature des innovations esthétiques et des transformations politiques, des années 1860 aux années 1880. Un argumentaire rigoureusement mené et appuyé sur des références variées le conduit à redéfinir la nature de la politisation des impressionnistes.

Philip Nord rappelle, dans un premier temps, comment la revendication d’une nouvelle esthétique eut des incidences politiques. Le climat général du Second Empire, hésitant entre autoritarisme et libéralisme, conduisit à la politisation de l’art. À la fin des années 1850 se constitua à Paris un réseau de jeunes peintres qui partageaient le souci de mettre en œuvre une peinture dite « sincère ». Des discussions interminables, dans les ateliers ou les cafés, contribuèrent à tisser des liens étroits de camaraderie. Cette génération, décidée à secouer le joug d’un académisme pesant, se heurta aux bureaucrates et académiciens qui administraient le Salon et l’Académie des beaux-arts. Les peintres refusés dénoncèrent donc, dans un même ensemble, les institutions et les formes esthétiques qu’elles défendaient. Refusant d’être assujettis à un académisme qui leur imposait de peindre des scènes d’histoire et de mythologie, aux paysages recomposés et aux nus trop parfaits, ils privilégièrent les thèmes contemporains et les scènes de la vie quotidienne, n’hésitant pas à user de couleurs éclatantes et de traits suggestifs, à rompre les perspectives et à négliger le fini des surfaces peintes. Ils furent soutenus par des critiques qui dirent leur admiration en des termes fortement politisés dans les journaux républicains La Tribune, Le Rappel, La Cloche, profitant de l’assouplissement de la censure. Les Philippe Burty, Théodore Duret et autres Émile Zola firent allègrement le parallèle entre révolution politique et revendications esthétiques, affirmant que ces peintres entendaient démocratiser l’art. Ils dénonçaient dans un même mouvement l’hypocrisie de l’Académie et celle de l’Empire, qui cachait son goût du pouvoir, du lucre et du luxe sous un langage religieux, moralisateur, démocrate. Sans nier l’inclination des peintres pour les idées démocratiques et libérales – ils lisaient la presse républicaine, fréquentaient cercles, salons et cafés républicains –, Philip Nord insiste sur le rôle que jouèrent ces critiques d’art. Alors que les peintres étaient soutenus par Courbet, admiraient Ingres et Delacroix, prenaient pour modèles l’école de Barbizon, la virulence de la critique radicalisa leur rupture avec leurs prédécesseurs et contribua à la construction du récit de ces batailles esthétiques sur le mode héroïsant.

Après le 4 septembre, les attitudes politiques des peintres furent, dans l’ensemble, conformes à celles des républicains : heureux de la chute de l’Empire, ils furent meurtris par la défaite contre la Prusse et, s’ils furent de cœur avec la Commune, ils n’en furent pas moins inquiets de ses excès. Durant la République conservatrice, ils reprirent le combat contre le Salon. La presse républicaine prit derechef fait et cause pour eux. Les uns entendaient prendre d’assaut les institutions de l’art, tandis que d’autres préférèrent constituer le Salon des indépendants, en 1874.

Entretenant les relations établies sous l’Empire, les peintres fréquentaient les salons républicains, tandis que les républicains se pressaient aux expositions de la nouvelle peinture. Monet était proche de Clemenceau, Manet de Rochefort, Renoir de Gambetta. Le personnel politique républicain, à qui les notables reprochaient son inculture et son manque de bonnes manières, trouvait dans ces fréquentations un surcroît de légitimité. La République des arts et des lettres entendait être une « Nouvelle Athènes ». Lorsque les républicains arrivèrent au pouvoir, une sorte de symbiose s’établit entre le pouvoir et l’impressionnisme. Les artistes bénéficièrent de quelques commandes de l’État et quelques-uns reçurent les honneurs de la République. Certains thèmes peints par les impressionnistes reflètent cette bonne entente entre milieux artistiques et hommes politiques. Monet représenta la rue Montorgueil pavoisée des trois couleurs républicaines ; Spuller, Rochefort et Clemenceau furent portraiturés.

Philip Nord souligne également combien cette peinture est le reflet de l’optimisme que dégageait cette décennie. Les peintures évoquent la joie de vivre, ne dédaignent pas les symboles du progrès, représentent les avenues parisiennes grouillant de badauds. L’historien ne néglige pas de considérer le côté mercantile de la création. Les « couches nouvelles », chères à Gambetta, constituèrent la clientèle des impressionnistes. L’éditeur Charpentier ou l’industriel Dolfuss comptent au nombre des acheteurs qui vinrent dans les galeries privées admirer les scènes de familles bourgeoises dans des intérieurs haussmanniens. Les artistes venaient dans les salles de rédaction de la presse démocratique demander l’appui de leurs amis rédacteurs.

Les républicains avaient largement appuyé les revendications des peintres. Certains se montrèrent plus réticents devant les tableaux aux couleurs vibrantes, aux coups de pinceaux rapides créant des effets d’ombre et de lumière. Quelles que fussent leurs sympathies pour le régime, les peintres restaient des artistes et non des militants.

Cette osmose se délita progressivement au cours des années 1880. Les républicains se divisèrent entre extrême gauche, opportunistes et centre gauche, tandis que les peintres suivaient des voies divergentes, aussi bien sur le plan esthétique que sur celui des relations politiques. Ils abandonnèrent les manifestations collectives et privilégièrent les expositions individuelles. Chacun forgea son style particulier, si bien qu’il devint de plus en plus difficile d’identifier une esthétique commune. Ce fut la fin définitive du Salon, remplacé non par les Indépendants mais par le système des galeries privées : le duo marchand-critique jouait désormais le rôle central dans le succès des œuvres.

Le groupe se délita. Manet disparut en 1883. Monet, Cézanne et bien d’autres quittèrent Paris, dont ils n’appréciaient plus la modernité, et se retirèrent dans la campagne, dont ils devinrent les chantres. Camille Pissaro se rapprocha des anarchistes tandis que Degas rejoignait les antisémites et Cézanne les catholiques. Les impressionnistes n’étaient plus en phase avec le climat politique et économique de la France fin-de-siècle. L’Affaire Dreyfus allait révéler leurs divergences.

La démonstration de Philip Nord emporte l’adhésion. Les liens qu’entretinrent impressionnistes et républicains sont incontestables. Mais l’inclination des uns vers les idées démocratiques et le soutien des autres à une révolte esthétique ne doit pas nous induire en erreur. Les sentiments de sympathie réciproque, forgés pendant les dernières années de l’Empire, ne se transformèrent pas en une complicité totale. Il serait erroné de réduire l’impressionnisme à un phénomène para-politique. Il exprima une vraie volonté de rupture et mit en œuvre de véritables innovations picturales. La cohérence du mouvement tiendrait plus à cette attitude de contestation de l’ordre établi qu’à une unité de style. La nature des liens entre politique et art durant le « moment impressionniste » est ainsi redéfinie par Philip Nord : la politique contribua à façonner l’identité du mouvement mais l’exigence esthétique ne perdit jamais son autonomie et l’art ne se laissa pas circonscrire par la politique.

 

4/ La documentation photographique n°8101, septembre 2014

Arnaud-Dominique HOUTE : La France sous la IIIe République (1870-1914)

(résumé par F. Le Hech)

 

IIIe Rép née et morte dans la défaite militaire: 1870 et 1940

multiples oppositions à la République : anarchistes, nationalistes, cléricaux. Donc pas d'enracinement inéluctable : combat permanent pour l'enraciner

Fondements du modèle républicain: petite propriété, droit de vote, instruction + progrès et fierté

Tendance de l'historiographie actuelle: monter les limites de l'intégration républicaine (exclus, femmes, immigrés, colonisés)

            exple: parution en 2013 de : Marion Fontaine, Frédéric Monier, Christophe Prochasson : Contre-Histoire de la IIIe République

 

I/ Une naissance difficile (1870-1885)

            1/ Sortir des ruines

guerre franco-prussienne: +100 000 soldats Fra morts, 34 départements occupés

                        a/ Thiers au pouvoir

Elections le 8 février 1871 : majorité royaliste (car favorable à la paix)

Révolte de certaines villes, dont Paris: la Commune

Recherche historique sur les victimes de la Commune : 15 000 pour Jacques Rougerie, 7 000 pour Robert Tombs.

Réformes de Thiers: service militaire, impôts indirects

                        b/ Lois constitutionnels de 1875

droite monarchiste divisée, donc cherche à gagner du temps

acceptation d'un président de la République avec mandat long (7 ans); choix de Mac Mahon monarchiste

institutions de compromis: "conjonction des centres"

voulu par la droite: sénat, président fort

voulu par la gauche : suffrage universel (masculin), république

            2/ Les Républicains au pouvoir

                        a/ Les politiques "opportunistes"

républicains modérés : Gambetta, Ferry, Waldeck-Rousseau

les notables restent importants :

            ancienne noblesse (encore 1/4 des élus en 1893)

            nouvelle élite : "bourgeoisie de robe" (selon Christophe Charle) : médecins, avocats, profs

            "révolution des mairies" : pouvoir aux classes moyennes rurales (propriétaires, professions libérales)

                        b/ Changer la société?

libéralisation politique: liberté de réunion, presse, syndicats

école républicaine : promoteurs pas athées (souvent des protestants libéraux) ; compromis refusé par l'Eglise

colonisation : argument de "civilisation" cache la volonté de puissance (enjeux économiques et géopolitiques)

autres aspects:

            extension du réseau ferré aux campagnes (plan Freycinet de 1878)

            extension de la poste

            progrès timides sur l'hygiène publique

            question ouvrière: refus de la traiter comme un problème global (ex: pas de ministère du travail)

 

II/ L'heure des choix (1885-1899)

            1/ La République menacée

élections de 1885 : droite revigorée et radicaux (extrême gauche) renforcés ; rôle de la crise économique

scandales: décorations (démission de Grévy en 1887), Panama (1892)

                        a/ Crise boulangiste (voir cours)

                        b/ Menace socialiste

mouvement éclaté: Guesde (marxisme), Jaurès (prolongement de l'idéal républicain)

attentats anarchistes et répression

            2/ La République conservatrice

conservateurs se rapprochent de la droite catholique ralliée à la république: Faure, Méline, Casimir-Perier

catholiques divisés: pape Léon III pour le ralliement ; journal La Croix contre

rapprochement avec la Russie : antipodes politiques (république démocratique/autocratie tsariste), sortir de l'isolement (pour la Fra), besoin d'investissements (pour la Russie), proximité culturelle (ex: romans et ballets russes découverts en France)

                        a/ Question coloniale

apaisement des tensions en France sur ce sujet

conquête de Madagascar (1895), "pacification" de l'Afrique

espoir de débouchés économiques

                        b/ Replis

protectionnisme (contexte de crise) : Méline crée le "double tarif" en 1892 (hausse des droits de douane + normes de qualité des produits + exigeantes)

poussée xénophobe liée à l'immigration (ex: 1893: chasse à l'homme contre les Italiens à Aigues-Mortes: 8 morts)

climat de doute favorable aux conservateurs: hausse des crimes, méfaits de l'urbanisation

            3/ La clarification Dreyfus

Pour Vincent Duclert (biographe de Dreyfus), c'est un "événement fondateur"

crispation des conservateurs après les révélations de Picard (fausses preuves fabriquées, vrai coupable)

intervention de Zola pour sortir de la loi du silence

1898, élections: Méline remplacé par Waldeck-Rousseau qui s'appuie sur la gauche

 

III/ L'âge de la maturité (1899-1914)

            1/ La question religieuse (1899-1906)

Waldeck-Rousseau parle de "2 Frances séparées par l'éducation"

loi sur les associations en 1901 : surtout faite pour soumettre les congrégations à autorisation

                        a/ Le Bloc des Gauches

élections de 1902 tendues

1er courant politique: Radicaux ; donc Emiles Combes président du conseil (peu connu mais très ferme, suscite les passions)

très anticlérical : refus des autorisations aux congrégations, retrait des crucifix en 1904 (écoles et tribunaux), affrontement lors de processions religieuses (cléricaux contre libres-penseurs)

démission suite à l'affaire des fiches (1904)

                        b/ La loi de séparation

Aristide Briand, rapporteur de la loi: esprit de compromis

crispation vient du pape : refus des créer les "associations cultuelles" demandées et refus des inventaires

rebonds avec plusieurs problèmes: manuels scolaires, financement de l'entretien des églises

            2/ Penser la question sociale (1906-1911)

Clemenceau au pouvoir de 1906 à 1909 : répression de nombreuses grèves

joutes Clemenceau/Jaurès à l'assemblée

pour le journal L'Humanité, en 1909: "la fin d'une dictature"

            3/ Face à la montée des périls

crises marocaines

à l'été 1914, Français surtout occupés par l'affaire Caillaux et les moissons

 

IV/ Les Français d'un siècle à l'autre

            1/ Une société moderne

Paris: développement de l'électricité, des transports publics (ex: métro en 1900) ; campagnes: développement du service postal

aspects emblématiques:

            -bicyclette (1901: 1 million, 1914 : 3,5 millions)

            -presse (1880 : 3,5 millions exemplaires, 1910 : 10 millions/j) [selon Dominique Kalifa: "civilisation du journal]

progrès scientifique mais aussi inquiétude à son sujet (ex: Titanic 1912, accident locomotive à Montparnasse en 1895)   : pour Emilio Gentile "apocalypses de la modernité", pour Christophe Charle "modernité" réflexive" (plus mesuré)

débat sur le féminisme : droit de vote réclamé par Hubertine Auclert, égalité par Madeleine Pelletier ; 1e femme au bac : 1861, 1e femme médecin : 1875 ; 1e femme avocat : 1897

            2/ Une société de classes

Expression "Belle Epoque" apparue seulement dans les années 1950 (étudiée par Jacqueline Lalouette)

Inégalités (étudiées à partir des héritages) : 42% des morts donnent 0,3% des valeurs ; 1% des morts donnent 55% des valeurs

Bourgeoisie : rôle de l'éducation au lycée (pour les filles seulement à partir de 1880, loi Camille Sée) et du bac ("brevet de bourgeoisie")

Peuple: rêve de métier dans l'administration (postier, instituteur, gendarme)

            3/ Chemins de l'Union Sacrée

réflexe né de la haine de l'Allemagne et de l'intériorisation de la tradition républicaine (rôle de l'école, presse)

pression sur le soldat + organisation logistique efficace ont conduit à l'obéissance en 1914

 

5/ La France de 1914 à 1918

Cours de F. Le Hech (réalisé à partir des Tomes 11-12 de L’Histoire de France, sous la direction de Joël Cornette)

 

I/ les débuts

            1/ Impuissance française

Part de responsabilité de la France (soutien sans faille de Poincaré à la Russie), mais assez limitée (intérêt seulement secondaire pour les Balkans, point nodal de la crise)

France cherche à éviter les guerres balkaniques de 1912-13 par la diplomatie: échec

Ultimatum de l'Autriche-Hongrie à la Serbie après attentat de Sarajevo : espère un conflit localisé et éviter l'engrenage des alliances

Attitude de la France : Poincaré coupé de la France et de ses alliés (retour par bateau de la Russie jusqu'au 29 juillet), lié à la Russie par traité, persuadé que l'Allemagne veut absolument la guerre

Reproche après-guerre, par la gauche: "Poincaré-la-guerre" : très exagéré

            2/ Descente dans la guerre

                        a/ Français résolus

patriotisme républicain défensif: poussées de fièvre nationaliste pendant des crises, mais débat sur la guerre jusqu'au dernier moment

affaire Caillaux éclipse les problèmes des Balkans ( plus facile à comprendre aussi)

assassinat de Jaurès le 31 juillet : hommage unanime, puis union sacrée même des socialistes

urgence de la moisson dans les campagnes

DONC: sentiment dominant est la stupeur (face au pacifisme et au bellicisme revanchard minoritaires), suivi par la résolution (enthousiasme et résignation minoritaires) [faits analysés par JJ Becker]

                        b/ Pourquoi le mythe de la "fleur au fusil" ?

-Confusion entre Union sacrée (discours de Poincaré du 4 août) politique et enthousiasme de la population : seulement une trêve politique défensive et contrat des Républicains avec socialistes et catholiques

-Diffusion du cliché de l'enthousiasme: presse illustrée, photos, écrits d'intellectuels exaltés

-Reprise et changement de signification après la guerre: symbole de la naïveté et donc de l'irresponsabilité du peuple face à la guerre car manipulé par les élites

-Aujourd'hui: correspond à la victimisation en vogue (poilus victimes de leur naïveté plutôt que des acteurs de la guerre)

            3/ La France envahie

                        a/ Le désastre d'août 1914

Echec des offensives françaises (selon le Plan XVII) en Alsace et Ardennes

Invasion de la Belgique par l'Allemagne (selon le Plan Schlieffen remanié par Moltke), puis de Champagne et Ardennes

Exode massif vers le Sud: Parisiens, réfugiés des zones de front

Exactions réelles (mais des rumeurs fantaisistes) [étude de J. Horne et A. Kramer] : 6500 civils (dont 900 en France surtout en Meurthe-et-Moselle, le reste en Belgique) exécutés ; villages et fermes incendiés ; à l'origine de l'image d'un ennemi barbare surnommé Boche

                        b/ Le "miracle de la Marne"

6 premières semaines les plus meurtrières du conflit: moyenne de 2400 tués français par jour (2 fois + que sur toute la guerre)

Plan allemand irréaliste car 3 postulats faux: guerre courte et rapide, pas de résistance des Belges, transposition sur un front de plusieurs centaines de km de schémas prévus sur quelques km de bataille

Bataille de la Marne en septembre sauve Paris : supériorité franco-anglaise (1 million contre 750 000), épuisement des Allemands après avancée rapide.

Repli en bon ordre des Allemands sur seulement 40 km

"Course à la mer" pour déborder l'autre, sans succès, d'où début de la guerre de position.

                        c/ Trois France

Particularité pendant 4 ans (inconnue en Allemagne ou GB)

"France de l'avant" (ligne de front sur 5-10 km de large, administrée par l'armée), "France de l'arrière" et "France envahie"

Expérience de guerre vécue différemment dans chaque zone

 

II/ Le front de "l'avant"

            1/ Expériences du quotidien, expériences du paroxysme

                        a/ La guerre quotidienne

Normalité reconstruite par la guerre : longues marches, longues périodes d'inaction, loisirs (lecture, courrier...)

mais pas de "rapport ordinaire à la guerre": menace de la mort omniprésente

corps soumis à des épreuves extrêmes: rats, boue, poux, paysages ravagés, odeur des morts... ;  maladies: 5 millions de soldats

"poilus": virilité, mais aussi limite de la civilisation (homme des cavernes)

                        b/ Combattre

Moments de combat en proportion rares, mais très intenses

Soldats confrontés aux blessures et au fait de tuer

                        c/ Prisonniers

500 000 Français concernés

Moment de la capture: soulagement d'être en vie, mais aussi humiliation, honte (culpabilité) et peur de la suite ; Enfermement dans des camps (improvisés au départ) ; "maladie des barbelés" (dépression) ; reconstitution d'une vie sociale (sport, loisirs)

Mise au travail des prisonniers (sauf officiers) aussi bien côté français qu'allemand

Soupçon contre les prisonniers (s'être laissé prendre) : cas de C. de Gaulle, R. Salengro

            2/ Contrecoups

                        a/ Chocs traumatiques

progrès rapide de la psychiatrie de guerre

attitude ambivalente face aux "commotionnés" : compassion ou soupçon de lâcheté

                        b/ Déviances, refus de guerre et mutineries

Formes individuelles variées : permission prolongée illégalement, mutilation volontaire, abandon de poste... ; en général, moments passagers (lassitude, dépression)

Formes collectives: fraternisation de Noël 1914 (refus ponctuel de combattre, parenthèse, retour de culture religieuse), mutineries de 1917 (échec de l'offensive du Chemin des Dames perçu comme une rupture de contrat car devait amener la victoire)

Question des mutineries très discutée chez les historiens :

            -Combien de mutins ? entre 25 000 et 90 000 soldats français

            -Causes :         militaire [G. Pedroncini] : moment précis et localisé lié à Nivelle, résolution par Pétain (répression, permissions augmentées, pause dans les offensives)

                                   mouvement social [A. Loez] : révolte, refus structurel ; échec seulement dû à la répression (Pétain aurait créé son propre mythe) ; répression comprise dans un sens très large (ex: permissions : disperser les mutins)

                                   citoyens-soldats de la IIIe République [L. Smith, M. Agulhon] : protestation pour leur droit et contre une injustice, pas contre la guerre ; forme de démocratie

            3/ Endurance et ténacité [Comprendre pourquoi et comment les soldats ont tenu]

                        a/ Endosser l'uniforme et vilipender l'embusqué

Imaginaire social lié à l'uniforme : virilité du masculin (ancien), égalitarisme républicain (né de la IIIe République)

Comment est-il maintenu ?    -seulement par la domination [A. Loez, F. Rousseau]

                                               -arrangement avec soi-même : figure de l'embusqué (statistiquement marginal) très utilisé par les soldats comme comportement anti-héros (féminisé), anti-modèle, anti-social, anti-républicain ; pouvoir politique sommé de trouver des solutions (loi Mourier de 1917) [C. Ridel] ; "embuscomanie" [S. Audouin-Rouzeau] témoigne de l'intériorisation par la société de la totalisation de la guerre

                        b/ Les liens au sein du groupe primaire et la redéfinition de l'obéissance

 rôle de la solidarité dans les groupes primaires (5 à 20 soldats vivant et combattant ensemble) ainsi qu'avec les sous-officiers

lien avec hiérarchie supérieure rompu pendant les combats

lien affectif avec sous-officier fondé sur expérience partagée, compétence technique reconnue, autorité acceptée

                        c/ La guerre de défense

territoire envahi et occupé ; tranchée = muraille défensive ; ennemi = agresseur absolu

paix passe forcément par la victoire, synonyme de libération du territoire [J. Horne]

                        d/ Le temps suspendu, la fin attendue

projection dans un avenir vainqueur aux accents millénaristes (réconciliation Dieu-patrie pour les cathos, triomphe du droit et de la justice pour les républicains) ; lorsque perspective de fin s'estompe, cafard et refus peuvent prendre le dessus

 

III/ Deux autres fronts

            1/ Le front occupé (10 départements, 2,5 millions de personnes)

                        a/ Une expérience oubliée ?

Peu étudié [pionnière : A. Becker] : occupation honteuse, expérience transitoire donc délaissée ; marginalisée face à l'occupation de 1940-1942-1944

                        b/ Une situation insupportable et brutale

Bouleversement du quotidien : exploitation économique grandissante, réquisitions, information et circulation étroitement contrôlées

Résignation jamais totale : gestes de petite résistance, seulement accommodement

Arrestations et envoi en Allemagne, évacuations forcées de la zone de front, travail forcé de civils (inacceptable car participation à l'effort de guerre allemand)

                        c/ Une situation subie ?

Résistance organisée : journaux clandestins, transfert de soldats alliés vers le sud, renseignement (ex: réseau Jacquet démantelé : 200 personnes arrêtées)

Certaines connivences minoritaires avec l'occupant dans des zones rurales : soldats âgés et calmes, nécessité du ravitaillement, histoires d'amour... ; peu de procès d'épuration après la guerre

            2/ Le front de l'arrière : une "normalité nouvelle"

                        a/ L'exceptionnel devient normal (mais dans l'idée d'une guerre courte)

-Fonctionnement des institutions suspendu dès août 1914 : parlement ajourné, élections reportées, pouvoir partagé entre exécutif et armée ; expression : "dictature de Joffre" (chef du GQG)

-Limites aux libertés publiques : état de siège d'où circulation des hommes contrôlée, étrangers internés dans des "camps de concentration" (60 vers l'Ouest surtout ; 60 000 personnes concernées à un moment), censure de la presse

-Finances: convertibilité du Franc suspendue, retraits bancaires limités

-Economie désorganisée: 2 millions de chômeurs en octobre 1914 vite résorbés par l'économie de guerre

-Travaux agricoles (moisson, puis vendange) réalisés par femmes, enfants, vieillards

-Mouvements de population: temporaire (700 000 parisiens en exode) ou + longs (115 000 Belges)

                        b/ Inventer une normalité de guerre

-Retour du parlement : séance extraordinaire fin 1914, puis siège de nouveau et renverse le gouvernement Viviani en octobre 1915 ; retour des réflexes politiques: fin de l'Union sacrée en septembre 1917 par désunion des socialistes ; invention d'un "parlementarisme de guerre " [F. Bock] plutôt que retour à la normale

-Retour de la culture : réouverture des cabarets, théâtres bibliothèques ; reparution de certains journaux (ex: Mercure de France qui avait choisi de cesser en 1914)

-Inflation et pénurie (alimentation, charbon), marché noir ; rationnement à partir de 1917

-Incompréhension des combattants vis à vis de l'arrière (image d'un retour à vie normale)

            3/ Coupures et contacts entre les trois France

                        a/ Les réfugiés et rapatriés à l'arrière: ambivalence d'une relation entre civils

-2 millions de réfugiés en France en 1918 : Belges, "évacués" des zones exposées au front, "rapatriés" des territoires occupés autorisés par les Allemands à passer par la Suisse à partir de 1915 (environ 500 000)

-prise en charge par la société: églises, associations... : solidarité

-puis dégradat° des relations : emploi, indemnité, langue et culture, méfiance : "Boches du Nord" ; frictions mais pas véritable exclus°

                        b/ L'avant et l'arrière: répulsion, fascination, liens

-Pour les combattants, image déformée de la guerre de la part des civils avec "bourrage de crâne" de la presse ; souffrance de l'arrière inaudible pour eux ; mais aussi, arrière soutient le moral (lettres, colis, permissions: 7 jours tous les 4 mois à partir de 1916)

- permissions ambivalentes: indispensables (retour au civil, renouer les liens familiaux, sexuels...) , mais mal vécues (sentiment d'incompréhension des soldats, cafard au retour au front

 

IV/ Le processus de totalisation

            1/ Vers les "batailles de matériel"

                        a/ Modernisation et technicisation du combat

généralisation de l'usage d'armes modernes (souvent déjà existantes) ; combattants transformés en "spécialistes"

-changements de l'artillerie:

            canon de 75 français adapté à la guerre mouvement (léger, maniable) mais pas à la guerre de tranchées (trop petit, tir tendu)

            augmentation des calibres et de la portée (ex: 1918, Paris bombardé à 40 km par les canons allemands)

            mortiers à tir courbe contre les tranchées : "crapouillot" français

            artillerie responsable de 70-80% des blessures

-modernisation des mitrailleuses (600 coups minute) : + légères pour mobilité (ex: fusil-mitrailleur Chauchat)

-gaz de combat: 1ers tests français en août 1914 (seulement lacrymogène) ; généralisation à Ypres (avril 1915) par les Allemands (chlore ; 1917: ypérite qui agit par la voie respiratoire + la peau) ; rupture dans l'art de la guerre (pas de sang, pas d'atteinte visible au corps) [S. Audouin-Rouzeau] ; 500 000 gazés en tout ; "groin" déshumanisant du gaz

-chars: Français et Anglais pionniers; chars légers Renault en France, décisifs en 1918 ; peu développés par les Allemands

-aviation : mitrailleuse synchronisée avec hélice (d'abord R. Garros, perfectionné par le hollandais Fokker pour les Allemands) ; parachutes ; bombardements ; "as" (ex: Guynemer) : nouveaux chevaliers, processus de "mythification de la guerre" [G. Mosse] : héros rend acceptable une guerre des masses déshumanisées

                        b/ Les "batailles totales"

-Batailles de 1915: Artois, Champagne

-Batailles de 1916 :    Verdun: 1er objectif de Falkenhayn: reprendre la guerre mouvement (échec) donc a posteriori "saigner à blanc l'armée française" (échec: 160 000 morts français, 140 000 allemands de février à juillet) ; défense de Pétain + symbolique que stratégique (repli sur la Meuse possible mais humiliant)

                                   Somme (début: 1er juillet) : "big push" pour les Anglais (faire reculer beaucoup les Allemands) ; jour noir pour les Anglais : 20 000 morts, 40 000 blessés ; échec ; la + totale

            2/ La totalisation à l'arrière

                        a/ Financer la guerre totale

-Budget de l'Etat : dépenses X4 entre 1914 et 1918 en Francs constants (X11 sans tenir compte de l'inflation)

-financement : création monétaire et endettement (population, EU)

-impôts: création de l'impôt sur le revenu (J. Caillaux, voté en juillet 1914 mais appliqué seulement en 1916) ; impôt sur les bénéfices de guerre (juillet 1916, 50 puis 80%), hausse de taxes (tabac, alcool...)

                        b/ Une révolution industrielle pilotée par l'Etat

Politique d'armement mise au point par A. Thomas (socialiste, secrétaire d'Etat en 1915, ministre en 1916, secondé puis remplacé par Louis Loucheur) ; objectifs contradictoires (produire + pour l'armée, ne pas dégarnir le front de tous les ouvriers, contenter les ouvriers) ; Etat avance l'argent aux industriels (ex: usine Citroën neuve du Quai de javel en 1915) ; 50 000 ouvriers en 1913 dans l'armement, mais 1,7 million en 1918 (dont 400 000 femmes)

                        c/ Les femmes au travail

industrie (ex: 100 000 munitionnettes à Paris en 1917), agriculture (3 millions), infirmières (100 000)

variable d'ajustement après le retour à la paix : pertes d'emploi

            3/ Les tensions de la totalisation: de la crise de 1917 à la remobilisation de 1918

                        a/ Intervention et révolution : une nouvelle géographie pour la guerre

-Totalisation à l'origine de l'entrée en guerre des EU (2 avril 1917): reprise par les Allemands de la "guerre sous-marine à outrance" + interception du "télégramme Zimmermann" (offre d'alliance au Mexique par Allemagne)

-Révolutions russes aussi: Tsar incapable de faire accepter à la population (rationnements, archaïsme de l'armée et des chefs) ; sortie de la guerre prématurée

                        b/ Dépression et dissensions en France

-Chefs militaires en retrait : Joffre remplacé (à cause de la Somme en décembre 1916) par Nivelle (limogé après échec du Chemin des Dames et mutineries)

-Moral atteint aussi à l'arrière : "morosité patriotique" [JJ Becker] : froid de l'hiver 1916-17, pouvoir d'achat en baisse (inflation), ravitaillement difficile

-Grèves au départ spontanées : midinettes (femmes des ateliers de couture), puis métallurgie et usines de guerre ; tournées contre les patrons ; pas de grève général ; moins importantes qu'en Allemagne et GB

            4/ Produire l'ultime effort

                        a/ Subir la guerre totale ou faire la "guerre intégrale"

4 gouvernements (fin 1916-novembre 1917) attaqués successivement par Clemenceau ; rupture de l'union sacrée en 1917 : gouvernement Painlevé (sans socialiste, ni cathos)

Clemenceau (président du conseil en novembre 1917) veut pousser jusqu'au bout la logique de guerre totale (intégrale) ; traité de "dictateur" par ses adversaires politiques ; utilise la "question de confiance" à l'Assemblée comme un chantage politique (fin de l'union sacrée, popularité personnelle croissante)

                        b/ Remobilisation culturelle

-Grèves du printemps 1918 : arrêt lorsque péril allemand (civils et combattants ressoudés)

-Réorganisation de la propagande : de l'Etat, des associations ; des industriels vers les enfants  (poupées alsaciennes patriotiques Yerri et Gretel) et la société (millions d'objets y compris vaisselle : "kitsch de guerre" [G. Mosse])

-"Culture de guerre" [A. Becker, S. Audouin-Rouzeau] : diffusée horizontalement dans la société, surtout en 1918

                        c/ La rupture des équilibres et l'armistice

-Offensives allemandes du printemps 1918 (Picardie, Flandre, Champagne) de Ludendorff : avant arrivée des Américains, situation intérieure catastrophique en Allemagne (civils négligés), troupes dégagées du front de l'Est (paix de Brest-Litovsk) ; percée spectaculaire, mais pas de soutien logistique et épuisement

-Reprise en juillet, mais contre-offensive puissante renforcée par les Américains (1 million) : supériorité numérique renversée, lourdes pertes allemandes

-Octobre 1918 : démission de Ludendorff (refus d'assumer la défaite), allemands acceptent le principe d'armistice, Guillaume II abdique le 9 novembre en pleine révolution, République proclamée et armistice

 

6/ Résumé sélectif du livre de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli : La France d'un siècle à l'autre 1914-2000 – Dictionnaire critique

Réalisé par F. Le Hech

 

I/ 1918 : la blessure de la Grande Guerre

-marque dans le paysage

30 000 monuments aux morts dressés entre 1920 et 1925 + plaques dans les églises, administrations...

4 grands ossuaires (Douaumont...) ; centaines de cimetières (pas seulement français) sur les lieux des combats

Zone de front (mer du Nord -Suisse) inutilisable pour longtemps car truffée d'obus non explosés

-marque dans les corps

1,370 million de morts (dont 70 000 soldats des colonies)

600 000 veuves, 700 000 orphelins

Plusieurs millions de mutilés, blessés, invalides (accès aux emplois « réservés » de l'Etat)

Perte d'élites: élèves de grandes écoles, écrivains (Alain-Fournier, Louis Pergaud, etc)

Paysans particulièrement touchés (car infanterie)

-marque dans les esprits

Seule guerre de masse pour la Fra : 3,6 millions de soldats mobilisés en 1914 ; 8,4 millions sur toute la guerre (sur 13 millions d'actifs masculins !)

Population entière mentalement impliquée

Sentiment national exacerbé : récupération de l'Alsace-Lorraine, sauver le pays et ses valeurs surtout

Poids des anciens combattants : 11 novembre imposé, « plus jamais çà » (pacifisme non idéologique mais partagé, par peur de ne pouvoir faire face une nouvelle fois)

Peur de l'All plus forte qu'avant la guerre, d'où humiliation matérielle et morale dans le traité de Versailles. Début d'une contradiction entre patriotisme et renoncement face à l'All (Munich en 1938, Pétain en 1940)

-bouleversement de la société

Coût financier de la guerre insurmontable : 140 milliards de francs-or d'où dépréciation monétaire (inflation), après un siècle de stabilité !

Effondrement des revenus du patrimoine (nombreux rentiers ruinés)

Passage à une société industrielle: uniformes, barbelés, armements ; nouveau rôle pour l'ouvrier (face au paysan), mais perçu comme manœuvre interchangeable (travail à la chaîne)

Femmes dans les industries licenciées à la fin de la guerre (entrée massive sur le marché professionnel surtout dans les années 1960 et dans le tertiaire)

-sclérose politique

Totalitarismes ont su capter les espoirs et/ou frustrations des masses pour parvenir au pouvoir dans plusieurs pays. Pas en France: démocratie contestée (communistes et ligues d'extrême droite) mais renforcée en apparence après la guerre.

Pouvoir reste issu de l'assemblée pendant la guerre, avec Clemenceau, mais plus personnalisé et autoritaire. Après guerre, affaiblissement progressif

Incapacité à se réformer, malgré la perception des « Jeunes Turcs » du Parti Radical (J. Zay, B. de Jouvenel, P. Cot, P.MF.,), d'A. Tardieu (centre droit) et de L. Blum (SFIO) : renforcer l'exécutif, intervention de l'Etat dans l'économie...: peu d'écho dans la société

Recherche permanente de l'union (retour à l'union sacrée de la guerre) aboutit à l'immobilisme ; selon A. Prost : « discours mythologique »

-conclusion

idée de Clausewitz (général prussien, début XIXe siècle) : « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens »

Pourquoi continue-t-on à commémorer si longtemps après ? profond sentiment de fierté, non de la victoire, mais du sacrifice consenti par les Français ; marque indélébile de cette guerre.

 

II/ 1936-38 : signification et sens du Front Populaire

-coalition de circonstance

Contexte économique: entrée tardive dans la crise, mais enlisement (0,5 millions chômeurs en 1935, mais sans compter les temps partiels)

Contexte politique : pacifisme ambiant et inquiétude face à Hitler ; montée des Ligues nationalistes (ex: Croix de Feu en 1928) et fascistes (Francisme de Marcel Bucard en 1933) et 6 février 1934 interprété comme tentative de coup d'Etat fasciste par la Gauche

Volonté d'union de la Gauche : P. Rad + SFIO + PC ; retournement du Komintern en 1934 (stratégie d'union par peur du fascisme) ; juin 1935: création du "Rassemblement populaire" (alliance électorale)

Victoire de mai 1936 : pas un raz-de-marée (seulement 500 000 voix d'écart avec la Droite) ; 1er gouvernement dirigé par un socialiste en France ; soutien du PC (mais pas de ministres) ; 3 femmes ministres pour la 1ere fois (alors qu'électorat exclusivement masculin) ; manifestations de joie immédiates: 12 000 grèves dans le privé (avec occupations d'usine), soit 1,8 million de grévistes.

-programme réformiste

Mesures sociales inscrites dans le programme électoral "pain, paix, liberté"

Accords Matignon de juin 1936 : hausse des salaires, 2 semaines congés payés, 40 h travail hebdo, conventions collectives dans les industries [essor des vacances, Auberges de jeunesse, camping]

Patronat forcé de négocier avec CGT (syndicat puissant car réunifié, pression des occupations d'usines) : traumatisme d'où sabotage par la suite (fuite des capitaux, mesures sociales rognées)

Mesures économiques sous la pression des événements et inefficaces: dévaluation et fin de convertibilité or du Franc (mais commerce extérieur reste déficitaire), hausse des prix annule la hausse des salaires, "pause sociale" de Blum (février 1937) au profit d'une politique de réarmement (contexte international)

Colonies: seulement des projets non réalisés (indépendance de la Syrie, accords Blum-Viollette pour citoyenneté à certains musulmans)

Entrée dans la culture de masse : pratique sportive (ministre L. Lagrange), cinéma (ex: La belle équipe de J. Renoir), chanson populaire (E. Piaf, M. Chevallier)

-débats et dislocation

Cassure dans la Gauche: P. Rad contre le désordre, PC contre la politique économique et surtout contre la non-intervention dans la guerre d'Espagne (décision de Blum) ; 1e démission de Blum en juin 1937 et retour éphémère en mars-avril 1938

Force d'opposition violente: Ligues dissoutes mais reconstituées en partis politiques (PSF, PPF) ; violence de la presse d'extrême Droite: journal Gringoire (ex: calomnie contre ministre R. Salengro le pousse au suicide en novembre 1936) ; mouvement terroriste fasciste avec attentats (La Cagoule) ; bataille PC/PSF à Clichy en mars 1937 (5 morts, 3000 blessés)

-conclusion

Epoque marquante des points de vue social et culturel

Mais aussi, accusation de la gauche d'être incompétente pour les questions économiques (perdure jusqu'à aujourd'hui)

Gouvernement haï par l'extrême droite d'où vengeance très forte sous Vichy : procès de Riom, assassinats d'anciens ministres (J. Zay, Mandel, Dormoy)

 

III/ 1940 : l'abîme de la défaite

-une défaite militaire

pas de défaillance morale de la nation ; soldats ont fait leur devoir

réarmement massif à partir de 1936, mais inachevé

défaite plus liée à la mise en oeuvre des moyens militaires qu'à leur nombre

pas de renouvellement des cadres militaires (tous les généraux étaient déjà officiers en 1918)

conception archaïque de l'Etat-major et de la classe politique : dogme défensif basé sur la ligne Maginot (à partir de 1930), pas d'utilisation moderne des technologies (blindés, avions), moyens de communication dépassés.

stratégie du général Gamelin : persuadé d'une guerre longue avec usure de l'adversaire

mauvaise coordination du commandement militaire

ligne Maginot non terminée: Ardennes réputées "infranchissables" (selon Pétain), pas en Flandre (porter la guerre en Belgique)

isolement diplomatique de la France : abandon de l'Est (Pologne), rejet de l'alliance italienne (échec du Front de Stresa), croyance en l'intervention des EU

-penser la défaite

Pour les théoriciens de la Révolution Nationale: défaite due à la décadence et dégénérescence du peuple français (idée très répandue)

Pour les collaborationnistes: chance d'un redressement inespéré autour de l'Allemagne

Pour la majorité des résistants intérieurs: défaillance des élites bourgeoises de la IIIe République

Pour De Gaulle : défaite purement militaire, guerre morale (civilisation/barbarie), peuple français exempté (germe du mythe du résistancialisme)

-ombre de la défaite

occultation de la défaite après la guerre et dans l'historiographie

pour les communistes: oublier la période 1939-41, pour De Gaulle : peuple rassemblé dans la résistance

"syndrome" visible dans les actions futures :

            dans la décolonisation : refus de l'abandon (ex: Suez 1956 assimilé au recul de Munich en 1938 ; ex: militaires hostiles à l'indépendance de l'Algérie)

            dans la politique d'indépendance nationale de De Gaulle : effacer l'humiliation de 1940

            dans la société : politique nataliste marquée, reconstruction rapide (façons d'exorciser la défaite)

 

7/ Nicolas BEAUPRE : Occuper l’Allemagne après 1918, Revue historique des armées n° 254, 2009

(conclusion de l'article ; pour consulter le texte intégral : http://rha.revues.org/6333

 

Une approche nouvelle sur l'après 1e Guerre mondiale dans les relations France/Allemagne

"Les expériences d’occupation dans l’Allemagne des marges, à l’est comme à l’ouest, figurent indéniablement parmi les moments clefs de cette période des lendemains de Grande Guerre qualifiée parfois par analogie de « guerre froide franco-allemande » . Mais plus qu’une guerre froide, il s’agit bien, sur le terrain, d’une continuation de la Grande Guerre par d’autres moyens. En feuilletant les épisodes de cette histoire, on mesure mieux sans doute la rupture fondamentale que fut la « démobilisation culturelle » de l’ère de Locarno. Mais la violence et la prégnance de ces épisodes, qui touchèrent très directement plusieurs millions d’Allemands et plusieurs dizaines de milliers de Français, interrogent les fondements même de cette rupture. Celle-ci ne devait-elle pas être achetée au prix de l’oubli et d’une occultation schizophrène de ce qui la veille encore avait été constitutif de l’image de l’autre comme ennemi irréconciliable ? L’impulsion politique donnée – non sans arrière-pensée – par les deux ministres des Affaires étrangères, Briand et Stresemann, suffisait-elle à recouvrir l’inimitié ? Eux – en particulier Briand – voulurent le croire. Mais après 1924-1925, cet apaisement passait aussi par une mémoire sélective de la Grande Guerre et des occupations. Ainsi, lorsque les horreurs de la guerre étaient évoquées, elles l’étaient soit de manière abstraite, soit pour en souligner la symétrie. La guerre était certes jugée absolument affreuse mais elle était dans le même temps réduite à un affrontement entre soldats faisant leur devoir.

Il fallait donc éviter de mentionner les « atrocités » et les violences d’occupation, par nature asymétriques car touchant des civils en premier lieu. Une forme d’amnésie qui accentuait les différences entre mémoires régionales et nationales de la guerre. Cette forme d’amnésie, paradoxalement, était nécessaire au discours de démobilisation culturelle au niveau national, mais en même temps pouvait la rendre plus ardue sur les terrains de l’ancienne rencontre entre occupants et occupés, aussi bien entre 1914 et 1918 qu’entre 1918 et 1924."

 

8/ Documentation photographique n° 8081, 2011

Olivier FEIERTAG : L'économie française de 1914 à nos jours

(résumé par F. Le Hech)

 

Problématique:           La mondialisation de l'économie française prend sa source dans la 1ère guerre.

                                   Disparition progressive de "l'économie agraire"

                                   "Grande Transformation" : organisation de l'industrie en grands groupes, ouverture au monde, mais périodes de repli

                                   Mondialisation plus "négative" depuis les années 1970 : chômage de masse, tertiarisation, financiarisation, dépendance des partenaires (ex: crise américaine, crise grecque)

 

Concepts:                   1ère lecture : "Révolution industrielle" :

Mot utilisé depuis 1882 (historien anglais Arnold TOYNBEE) ; utilisé pour le XXe siècle par François CARON : 2e R.I. (1880-1920: électricité + pétrole) et 3e R.I. (après 1970: informatique et matériaux composites)

Accent sur les innovations techniques ; analyse plus économique que sociale ; évolution linéaire

                                   2ème lecture: Analyse des fluctuations économiques capitalistes (François SIMIAND, Jean BOUVIER): phases de croissance et de ralentissement ; mouvement des prix et des salaires ; analyse plus sociale; évolution cyclique ; plus descriptif qu'explicatif

                                   Aucune des deux n'explique bien la situation depuis 40 ans : mutation postindustrielle, "crise insolite" persistante

                                   Vitalité des chercheurs actuels : programme IDHE (Institutions et Dynamiques Historiques de l'Economie) créé en 1997 par CNRS + Universités ; "Cliométrie" depuis 2001 : application des techniques économiques à l'histoire ; dépassement des cadres nationaux ; croisement des disciplines (histoire, économie, sociologie...)

 

I/ La "Grande Transformation" de l'économie française

l'histoire économique étudie dans le temps: les productions, l'échange, la consommation ; donc forcément économique et sociale.

            1/ transformation quantitative

1913-2010 : PIB/hab X6 , exportations X25, pouvoir d'achat X4

Pour Jacques Marseille (historien) : enrichissement des Français + fort et + rapide que jamais

            2/ Transformation qualitative

structure de la population active en 3 secteurs inventée par Colin Clark (1947) et utilisée en France par jean Fourastié

modifications observées :       -"fin des paysans"

                                               -multiplication des emplois tertiaires

                                               -gains de productivité forts pendant les 30 Glorieuses dans l'industrie grâce à l'exode rural

                                               -gains de productivité moindres depuis la tertiarisation donc ralentissement de la croissance

            3/ De l'économie agraire à l'économie de l'information

Moyenne du temps travaillé (heures/pers/an) : 1914: 3000 ; 2007 : 1559

Mise en place de la société des loisirs avec parallèle indispensable: "économie des loisirs" (tourisme, éducation, santé...)

Après des millénaires de "gestion de la pénurie", problème de "gestion de l'abondance" au XXe siècle (questions sous-jacentes: développement durable, décroissance)

Hausse du taux d'urbanisation : 40% en 1914, 80% en 2010 + phénomène de rubanisation

 

II/ Les ambiguïtés de l'histoire économique de la France

            1/ Entre archaïsme et modernité

-Pbm du retard français face aux anglo-saxons (historiens : F. Crouzet, D. Landes, R. Cameron) : réticences face à l'industrialis°, méfiance contre les grandes entreprises, faiblesse du pouvoir d'achat, faiblesse du syst bancaire et du crédit

-Rattrapage des 30 Glorieuses : cause exogène (aide américaine par capitaux et technologies avec "missions de productivité" aux EU), cause endogène (idéologie de la croissance)

            2/ Entre Etat et marché

-Rôle majeur de l'Etat (différent du libéralisme d'avant 1914) montré dans l'ouvrage de R. Kuisel (1981): Modernisation et dirigisme (nuancé ensuite, car marché toujours présent)

-1ère guerre: intervention massive de l'Etat avec suspension de la convertibilité en or du franc, commerce extérieur contrôlé, organisation scientifique du travail dans les grandes entreprises, commandes militaires

En 1918, 281 Comités mixtes (patrons + représentants de l'Etat)

-Années 1920: reflux de l'Etat, mais limité car contrôle des industries stratégiques (ex: pétrole: création en 1924 de la Compagnie Française des Pétroles)

-Années 1930 : débat entre dirigisme et libéralisme : plusieurs politiques différentes mais avec points communs (responsabilité de l'Etat face à la crise, pas de remise en cause du capitalisme)

-Vichy : évolution structurelle se poursuit : bases de la planification (1941: DGEN: Direction Générale de l'Equipement National) et "Charte du travail (corporatisme, compromis Etat/marché)

-Libération: rupture avec Vichy : Etat-Providence, "économie concertée" (J. Monnet), planification, nationalisations

Politique maintenue jusque dans les années 1980 : projets industriels (ex: Airbus), P.A.C., aménagement du territoire (DATAR en 1963, littoral languedocien pour tourisme...), rôle de la Banque de France pour "économie d'endettement"

Fin en 1983 avec l'échec de la relance socialiste.

            3/ Entre fermeture et ouverture extérieure

-Taux d'ouverture (commerce extérieur/PIB) : 1913: 8% , 1992 : 23%

-Pas d'augmentation de l'ouverture avant les années 1950 :

            cycle: guerre, crise, guerre

            IIIe République protectionniste depuis 1882 (tarif Méline)

            contraction du commerce international pendant la crise des années 1930 (repli sur empire colonial)

            nationalisme monétaire : dévaluations successives et concurrentielles (£ en 1931, $ en 1933, France slt en 1936)

            contrainte extérieure très forte sous Vichy: pillage systématique de l'économie par l'Allemagne

-Ouverture à partir de 1958 avec la CEE

-1950-1987: croissance annuelle moyenne des exportations: + 6,5%

 

III/ La mondialisation de l'économie française

            1/ Définition

1964 : 1ère apparition du mot "mondialisation" (article de Paul Fabra dans le journal Le Monde), mais non repris.

1983: "The globalisation of markets" (Théodore Levitt)

2003: 1ère analyse historique de la mondialisation par Suzanne Berger (prof au MIT)

Historien P. Boucheron: 1ère mondialisation avec les Grandes Découvertes

Définition quantitative: hausse des flux économiques (main d'oeuvre, marchandises capitaux, infos) ; inconvénient : présente plus un état qu'un processus

Analyse qualitative: Etat-nation confronté à la dynamique des échanges économiques ; issue non connue !

            2/ Guerres et crises mondiales

-1ère guerre :   -nationalisme débouche sur impérialisme économique

                        -elle oppose pour la 1e fois les principales économies du monde

                        -confrontation entre logique nationale et dynamique mondiale (arrêt de l'expansion des capitaux français dans le monde, mais hausse des échanges avec l'extérieur: GB et EU)

-2e guerre: économie française démantelée et intégrée dans le "grand espace économique" de l'Europe nazie

            3/ Apogée de l'économie nationale

-Pour Karl Polanyi : "encastrement" de l'économie nationale dans l'Etat-nation dans les années 1950 (comme partout)

-Parallèlement, mise en place d'un ordre économique international (Bretton-Woods 1944, GATT 1947, Plan Marshall 1947, CEE 1957)

-Articulation harmonieuse entre les deux, facteur-clé des 30Glorieuses.

            4/ Tournant de la mondialisation

-Changement des années 1970:

            choc pétrolier,

            émergence économique des Etats décolonisés selon le modèle de l'Etat-nation,    libéralisation économique après 1968 avec rôle des marchés financiers et des banques commerciales

            effondrement du système de Bretton-Woods (1968-76)

            crise européenne après entrée de GB dans CEE (1973): rôle de la finance internationale introduite par la City

-En France:     alternance des politiques de "stop and go" (1974-83)

                        entreprises (industries, banques, grande distribution) engagées dans des stratégies mondiales à partir des années 1990

                        Exple de Renault : début des années 80: difficultés ; 1984: internationalisation (Mercosur) ; 1995: privatisation ; 1998 : fusion avec Nissan ; 1999 : rachat de Dacia

            5/ Passage à l'Euro: fin ou début de l'histoire?

Histoire de l'€ liée à l'accélération des marchés financiers mondiaux:

-1987: krach boursier: vulnérabilité financière

-1992: crise spéculative: Franc faible fragilisé

Enclenchement du processus de l'€ pour réguler la mondialisation

endettement français fin 2010: 83% du PIB : nouvelle confrontation entre Etat-nation et mondialisation...

Singularité historique de la France s'estompe.

 

IV/ Retour sur Quelques aspects spécifiques

            -Le "tournant taylorien" (P. Fridenson)

-réticences de l'OST en France avant la 1e guerre (car accompagnée de hausse des salaires)

-développée pendant la guerre: marchés militaires solvables, militarisation de la main d'oeuvre (1915: 500 000 rappelés du front), rôle du ministre A. Thomas (lien avec les syndicats)

-1915: créat° d'une usine Quai de Javel par A. Citroën : usine taylorienne horizontale, autorité des ingénieurs, main d'oeuvre disciplinée

-travail des femmes : favorisé par la décomposition des tâches (moins de force physique) ; 1918: 100 000 munitionettes dans la région parisienne + 133 000 enfants

-travail des étrangers : colonies (Maghreb: 135 000, Indochine: 50 000) et étrangers (36 000 chinois) ; début de politique d'immigration

            -"L'invention de l'inflation" au XXe s (J. Bouvier)

-avant 1914, "inflation" est seulement un mot médical (enflure d'un membre)

-définition: hausse des prix, des revenus et de la masse monétaire en circulation

-causes: pénurie de biens, hausse des salaires pour paix sociale, "planche à billets" (émission de bons de la défense + crédits à l'étranger : possible par suspension de la convertibilité le 3 août 1914)

-conséquences: ajustement des prix à la hausse (cercle vicieux), tensions sociales apaisées (vertu)

-illusion révélée après la guerre: chute du Franc face aux autres monnaies, exportations facilitées, Mais prix d'importations augmentent, dette extérieure augmente, fuite des capitaux

            -Crise de 1929

-illusion d'une France épargnée: "île heureuse" (A. Sauvy) : faux

-capitaux étrangers cherchent refuge sur la place financière de paris: prospérité de façade

-bourse + banques touchées dès 1930

-1936: 800 000 chômeurs secourus, Mais: pas les femmes, pas les étrangers, pas les jeunes, pas le chômage partiel

            -Repli économique impérial

-expo de Vincennes en 1931: 8 millions de visiteurs

-empire représente en 1931: 20% des exportations (1936: 30%), 12,5 % des importations, 1/3 des investissements français

            -La "fin des paysans" (sociologue Henri Mendras en 1967)

1954:   5 millions d'actifs (30%)                    1974:   2,3 millions (15%)

            14% du PIB                                       6% du PIB

            35 milliards $ (PIB absolu)                42 milliards $

hausse de productivité: rendements, endettement (X30), mécanisation

            -La bancarisation

-mot apparu dans les années 1970

-nombre de comptes bancaires : 1954: 4 millions, 1981: 25,5 millions

-loi de 1940: pour salaire >3000 francs: chèque ou virement

-loi de 1965: femme peut avoir un compte "sans le consentement" de son mari

-accord CNPF(patronat)/syndicats de 1970: généralisation du salaire mensualisé ; 1969: 10% et 1972: 75%

-accès au crédit

-choix des banques: multiplication des agences, 1ers distributeurs automatiques en 1968

            -La désindustrialisation

1975: 8,7 millions d'ouvriers (38% de population active) : apogée

2010: 6 millions (25%)

aspect "découvert" par les politiques lors de la campagne présidentielle de 2012 : point devenu central depuis

            -La révolution tertiaire

-1975: 51% des actifs ; 2010: 75% des actifs et 80% du PIB

-1963: 1e hypermarché Carrefour à Ste-Genevieve-des-bois (2500 m², 400 places de parking) ; internationalisation progressive (1969: Belgique, 1996: Thaïlande et Corée du Sud, etc) ; aujourd'hui : 500 000 emplois dans le monde et 8000 magasins (2e employeur privé du monde, après Wal-Mart) ; mais, en 2010: revente des 40 magasins de Thaïlande (peu rentables, pas adaptés à une société rurale).

 

9/ LA FRANCE DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES

(Résumé de cours F. Le Hech)

 

I/ UNE EVOLUTION ECONOMIQUE CHAOTIQUE.

1/ Les années 1920 : une prospérité ?

  • Années 1920 surnommées « les années folles » :

-Retour à la paix ; Impression de retour à la prospérité économique (ex : 1920-30 : production acier X4, électricité X5) ; secteurs industriels dynamiques (ex :automobile Citroën avec application du fordisme).

-Création artistique (ex : Surréalisme né en 1924 avec A. Breton, P. Eluard…)

-Alternance politique normale en démocratie : Droite/Gauche (voir doc joint)

-Apogée de l’empire colonial (ex : exposition coloniale à Paris en 1931 : très grand succès populaire, impression de puissance universelle de la France grâce à ses colonies)

  • Des difficultés pas ou mal surmontées :

-Problèmes financiers : affaiblissement du Franc par inflation dans les années 1920 (stabilisation par Poincaré seulement en 1928 : 1/5 de la valeur d’avant-guerre) ; dès 1922, Allemagne ne paie plus les « réparations » (dette de guerre) : occupation de la Ruhr en 1923 par armée française (pour récupérer le charbon), plusieurs plans internationaux (plan Dawes en 1924, puis plan Young en 1929 pour rééchelonner les réparations).

-Modernisation des campagnes reste lente ; crise agricole car prix élevés des produits français sur le marché international

 -Morosité démographique (natalité faible, population stagne, phénomène de « classes creuses » ; différent des autres pays) ; appel à main d’œuvre étrangère (100 000 par an dans les années 1920, 7% d’étrangers en 1931 [comme aujourd’hui], travail dans industrie et mines, étrangers pauvres mal acceptés quand crise des années 1930 : Polonais et Italiens surtout).

-Scission de la gauche (jusqu’à aujourd’hui): Congrès de la SFIO (parti de Jaurès) en décembre 1920 à Tours ; division sur la ligne politique à suivre (voir doc joint): Majorité favorable à la révolution russe et aux idées de Lénine (adhésion à la IIIe Internationale, soumission à Moscou, création de la SFIC = parti communiste = PCF), Minorité reste socialiste et réformiste avec Léon Blum (SFIO = parti socialiste)

            2/ la crise et la dépression des années 1930.

  • Rappel : crise mondiale déclenchée par le Krach de la bourse de Wall Street en octobre 1929 :

-Décrochage entre valeur des actions et valeur réelle des entreprises (spéculation).

-Faillites en chaîne des entreprises et banques américaines, montée du chômage.

-Effets mondiaux de la crise américaine par rapatriement des capitaux américains (Allemagne, Autriche) et baisse des importations américaines (monde entier).

  • Spécificités de la crise en France :

-Sentie tardivement, seulement vers 1932 (France repliée sur son empire colonial a pu la masquer quelques temps) ; idée nuancée par J. Marseille (France touchée assez tôt)

-Baisse de la production industrielle peu spectaculaire mais plus durable qu’ailleurs.

-Chômage augmente mais peu visible (seulement la ½ des chômeurs sont aidés donc recensés) ; 1 million de chômeurs en tout : moins important qu’ailleurs (en 1932, 12 millions aux EU, 6 millions en Allemagne).

-Mais crise durable devient vite politique : aux EU, New Deal de Roosevelt dès 1933, autarcie avec Hitler en Allemagne ; incapacité des gouvernements français à appliquer une politique efficace d'où « valse ministérielle » (6 gouvernements en 1 an ½ :1932-1934).

 

II/ L’INSTABILITE POLITIQUE DES ANNES 1930.

            1/ Le discrédit de la classe politique et le 6 février 1934.

  • Rôle majeur du Parti radical :

-Pivot de tous les gouvernements ; parti de centre gauche ; vote tantôt avec la gauche tantôt avec la droite, n’hésite pas à retourner ses alliances et à faire tomber des gouvernements (car sous la IIIe République le gouv. doit être « investi » par la chambre des députés)

-Fonds de crise économique et sociale non réglée.

-Montée de groupes d’extrême droite, organisés en Ligues, sortes d’associations (ex : Croix de feu du colonel de la Rocque, Action française de Maurice Barrès), qui critiquent le système parlementaire et créent une agitation dans le pays

  • Scandale de l’affaire Stavisky :

-Escroc très lié aux radicaux au pouvoir (les a financés avec de faux bons du trésor) retrouvé mort en janvier 1934 (suicide mais rumeur d’assassinat)

-« cartel » : gauche revenue au pouvoir juste avant avec le radical E. Daladier.

-Agitat° maximale des Ligues par nombreuses manifestat° avec amalgame affaire (= scandale)-antiparlementarisme-antisémitisme.

-Daladier renvoie le préfet de police de Paris, Chiappe, proche des Ligues.

  • Organisation d’une grande manifestation le 6 février 1934 par les Ligues à Paris :

-Convergence à partir de plusieurs lieux vers le Palais Bourbon (chambre des députés) ; Police tire : 15 morts, centaines de blessés.

-Interprétation de cet événement: pas de réelle tentative de coup d’Etat ; fascistes très minoritaires ; mais perçu comme tel par la gauche qui décide alors de s’unir pour éviter une dérive à l’italienne (Mussolini au pouvoir après un coup de force en 1922).

            2/ Le gouvernement de Front Populaire (1936-1938).

  • Union électorale des 3 grands partis de gauche :

-Daladier (radicaux), Blum (socialistes), Thorez (communistes) mise en place en 1935.

-Changement tactique du PCF (toujours dans l’opposition avant): à partir de 1934, Moscou ordonne les alliances « anti-fascistes » des PC avec les partis socialistes en Europe (pour contrer la montée du nazisme et du fascisme).

-Programme polit. simple de cette alliance: « pain, paix, liberté » (présenté comme seule alternative à l’extrême droite).

-Victoire de la gauche (mais pas écrasante, sauf PCF qui X2 ses voix et passe de 12 à 72 députés) aux élect° législatives de mai 36

-Soutien du PCF au gouv.  mais sans participation (pas de ministres communistes)  [rupture avec SFIO et radicaux dès 1937].

-L.Blum devient président du conseil (=1er ministre) 

-Victoire accompagnée par des grèves de joie dans les usines : grand espoir des ouvriers, employés, chômeurs pour amélioration sociale (cf : film La Belle Equipe de Duvivier).

  • Œuvre sociale importante du Front Populaire

-Accords de Matignon de juin 1936 signés par patronat et syndicats : hausse des salaires, liberté syndicale, conventions collectives.

-Lois + tardives: 2 semaines de congés payés (développement des loisirs et des vacances), sem. de 40 h.

  • Echec du gouvernement en moins de 2 ans :

-Hostilité des patrons : coût financier des 40 h, fuite des capitaux ; fin des réformes : « pause » annoncée par Blum en 1937.

-Agitation maintenue par les ligues transformées en partis politiques de masse : PSF (Parti Social Français de La Rocque :  1 million adhérents), PPF (Parti Populaire Français de J. Doriot [ancien communiste passé à l’extrême droite]).

-Division dans la majorité de gauche:

nationalisations (SNCF en 1937) voulues par PCF + SFIO mais opposition des radicaux 

non intervent° dans la guerre civile espagnole pour soutenir le Frente Popular (contre Franco) malgré la volonté du PCF

en 1938, éclatement du Front populaire : retournement d’alliance des radicaux vers la droite.

  • Edouard Daladier 1er min. avec « gouvernement d’union nationale ».

Au pouvoir de 1938 à mars 1940 ; Arrêt des réformes sociales

Signe les accords de Munich en sept. 1938 : exigence des Sudètes (territoire situé en Tchécoslovaquie) par Hitler ; Fra et GB cèdent dans le cadre de la « politique d'apeasement » (surtout voulue par le 1er ministre anglais N. Chamberlain)

Politique tardive de réarmement de la France          

 

Concl : à la fin des années 1930, la France apparaît empêtrée dans toutes sortes de difficultés économiques, sociales et politiques. La IIIème République favorise l’instabilité ministérielle face à des pays voisins dictatoriaux et bellicistes.

 

 

10/ Deux Comptes-rendus de livres sur la campagne de France (mai-juin 1940)

 

-Karl-Heinz FRIESER : Le Mythe de la guerre-éclair : La Campagne de l'Ouest de 1940 (2003)

 (compte-rendu du Général Forget sur site http://www.canalacademie.com)

Un livre qui a qui révolutionné l’historiographie militaire en démontrant qu’Hitler, contrairement au mythe, n’était pas prêt à entreprendre une campagne aussi rapide.

La victoire-éclair de Hitler sur les Alliés n'avait pas été planifiée comme « guerre-éclair ». Le commandement allemand comptait sur une réédition de la Première Guerre mondiale, avec des combats étalés sur des années ; cette conviction avait présidé à la planification de son économie et à ses plans de guerre. Ce n'est qu'après que le corps blindé Guderian eut effectué sa surprenante percée à Sedan que l'offensive allemande acquit une dynamique propre insoupçonnée et conduisit au « coup de faucille » et à l'avance rapide des chars jusqu'aux portes de Dunkerque, où Hitler arrêta leur progression pendant quelques jours, ce qui permit l'évacuation du corps expéditionnaire anglais.
S'élevant contre la théorie courante d'une « stratégie de la guerre-éclair » conçue par Hitler, l'auteur démontre ce qui a réellement fondé le secret de la réussite de la « guerre-éclair » de l'offensive de 1940, et démontre également que lorsque Hitler voulut réitérer une opération (dont il s'était attribué le mérite a posteriori), mais cette fois contre l'URSS, ce fut l'échec.

- Marc BLOCH: Létrange défaite (1940, rééditéc en 1946 et 1990)

(compte-rendu fait par Bruno Cabanes pour le magazine l'Histoire)

Dans ce livre, Marc Bloch offre une analyse à chaud de la Débâcle. L'oeuvre d'un historien mais aussi d'un ancien combattant et d'un citoyen engagé.

L'oeuvre

L'Étrange Défaite fait partie de ces oeuvres inséparables du contexte dans lequel elles ont été écrites.

A l'été 1939, Marc Bloch est mobilisé, sur sa demande, comme capitaine d'état-major, alors que son âge et ses charges de famille pouvaient l'en dispenser. Mais, pour l'ancien combattant de la Grande Guerre, pétri de ferveur patriotique, il serait inadmissible de ne pas agir.

Il assiste ainsi à la débâcle de l'armée française, refuse de se laisser faire prisonnier et commence à rédiger ce qu'il intitule « le procès-verbal de l'année 1940 » : un texte dense, extrêmement lucide, où il se livre non seulement à une analyse des causes de la défaite, mais aussi à un « examen de conscience » qui est autant le travail d'un historien qu'une oeuvre citoyenne.

Au terme d'un avant-propos où il se présente lui-même avec beaucoup d'honnêteté, Marc Bloch décrit la défaite militaire française. Ce n'est pas l'infériorité de notre armement qui explique l'échec de 1940, avance-t-il, mais une faillite plus profonde, à la fois d'ordre moral et d'ordre intellectuel.

Les chefs de l'armée française, des vieillards aveuglés par leur dogmatisme, ont vécu dans l'obsession de la guerre défensive et cherché à reproduire en 1940 l'expérience de 1914-1918. Le résultat est catastrophique face aux troupes ennemies qui pratiquent leBlitzkrieg , la guerre éclair. « Nous pensions en retard » , résume l'historien.

Mais ces faiblesses de l'état-major ne doivent pas masquer celles de la classe politique française, qui a cultivé un esprit de renoncement. La morgue des élites, la frilosité des classes moyennes, l'absence de hauteur de vue des syndicats et les ravages du pacifisme dans les années 1930 : rien n'échappe à la perspicacité de Marc Bloch, qui parvient à replacer le drame qu'il vient de vivre dans la longue durée d'une histoire de la société française.

Son étude s'achève par un appel à la résistance et à la reconstruction : « Je souhaite, en tout cas, que nous ayons encore du sang à verser. »

En 1943, Marc Bloch rejoint le mouvement de Résistance Franc-Tireur sous le pseudonyme de Narbonne. Il participe à la mise en place des comités de la libération dans la région lyonnaise. Il est arrêté le 8 mars 1944, torturé et fusillé. Le manuscrit de L'Étrange Défaite , enterré dans la propriété d'un ami clermontois, échappe à l'occupant allemand. Il ne sera publié qu'après la Libération.

Qu'en reste-t-il ?

Marc Bloch propose une analyse d'une rare clairvoyance, que les travaux ultérieurs des historiens, notamment ceux de Jean-Louis Crémieux-Brilhac sur l'année 1940, confirment largement. Peu de témoignages lui sont comparables, à l'exception sans doute du début des Mémoires de guerre du général de Gaulle et de A l'échelle humaine de Léon Blum.

Ce texte apparaît comme une sorte de modèle pour l'histoire immédiate. Il n'est guère étonnant qu'il ait suscité de nombreuses vocations d'historiens et contribué à faire de Marc Bloch l'incarnation du savant engagé, fidèle à ses convictions.

Cependant, L'Étrange Défaite n'est pas seulement l'un des meilleurs témoignages sur la campagne de 1940, c'est aussi un essai d'histoire comparée entre deux expériences de guerre. « J'appartiens à une génération qui a mauvaise conscience » , écrit Marc Bloch, lorsqu'il explique comment nombre d'anciens combattants de 14-18 n'ont aspiré qu'au repli dans la sphère privée et n'ont pas vu le danger qui venait d'Allemagne. Sans faire référence à l'officier d'infanterie que fut Marc Bloch durant la Grande Guerre, on s'interdit de prendre toute la mesure de cette oeuvre majeure.