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Histoire guerre d'Algérie

Approche historique : La guerre d’Algérie

 

  • Programme de 1e : dans la 3e partie « La République française face aux enjeux majeurs »

            Liens avec :     décolonisation (guerre d’indépendance)

                                   guerre froide (rôle des idéologies et des Grands)

                                   histoire de France (chute IVe Rep, retour DG)

  •  Concours :     Bordeaux : jamais tombé

                                    Paris : compo 2013 (déjà ancien)

                                    Commun : compo 2016 La France face aux « événements » d’Algérie (1954-1962) ; pièges pour les Term (pas les mémoires, pas « guerre », répercussions en Fra)

  • Bibliographie :

            -spécialistes reconnus (nombreux ouvrages):

                        Benjamin Stora https://benjaminstora.univ-paris13.fr/

                        Guy Pervillé http://guy.perville.free.fr

            -Doc photo n° 8022 : Guerre d’Algérie (R. Branche & S. Thénault) 

                               n°8062 : La décolonisation (B. Droz)

            -L’Histoire. Les collections.   n° 49 : La fin des empires coloniaux

                                                           n° 55 : L'Algérie et les Algériens

            -Fiche « colonisation & décolonisation » (site du Lycée : Atelier IEP)

 

  • Chronologie des événements

            -universalis.fr/encyclopedie/algerie-reperes-chronologiques/ (basique et sommaire)

            -histoire-pour-tous.fr/chronologies/3947-chronologie-de-la-guerre-dalgerie.html (+ large et détaillée)

            -lexpress.fr/actualite/monde/afrique/la-guerre-d-algerie-1954-1962_492167.html (assez complète)

 

  • Axes de réflexion :

Articulation entre problèmes structurels et évolutions conjoncturelles

Inscription dans le mouvement général de décolonisation

Particularités de l’Algérie pour la France

Diversité et évolution des sentiments, positions et argumentations des acteurs

Rôle du contexte économique des Trente Glorieuses

 

  • Recherche historique actuelle

Resituer dans l’épisode colonial entier

      Comportements des groupes sociaux : armée, magistrats, pieds-noirs…

      Représentations et mémoires de la guerre

      Histoire militaire

 

  • Pièges à éviter :

            Raconter les événements sans réelle réflexion

            Vision simpliste et caricaturale (gentils/méchants, positions figées)

 

  • Problématiques possibles:

            -En quoi la guerre d’Algérie constitue-t-elle une épreuve majeure et un défi pour la République française ?

            -Dans quelle mesure la guerre d’Algérie, un événement parmi d’autres du processus de décolonisation, questionne-t-elle profondément la République française dans ses valeurs et ses principes ?

 

  • Angle d’attaque : 3 citations

            7 novembre 1954 : « L’Algérie c’est la France » F. Mitterrand (ministre de l’Intérieur à la RTF) : liens (perçus par majorité de la population), institutions (3 départements, Intérieur), valeurs (civilisation, démocratie), développement (travaux, réformes, autonomie), fermeté (enlisement dans la guerre)

            4 juin 1958 : « Je vous ai compris » C. De Gaulle (président du conseil, sur le forum d’Alger) : foule immense et hétéroclite, phrase ambiguë qui rassure (pieds-noirs et armée), rénovation et fraternité (lignée civilisatrice, mais avec égalité), signe d’évolution

            1960, « nous payons 130 ans d'aveuglement » (De Gaulle président de la République à Alain Peyrefitte, ministre de l'information) : évolution inéluctable vers l’indépendance, fait colonial inavoué dénoncé ici, pas seulement changement de stratégie (prise de conscience de la fiction de l’Algérie française)

 

  • Plan possible :

           

            I/ Vers une guerre inéluctable ? (1945-1954)

            II/ Continuités et ruptures politiques et militaires du conflit

            III/ Une guerre douloureuse qui laisse de profondes séquelles

 

 

 

I/ Vers une guerre inéluctable (1945-54)?

 

         1/ l’Algérie française : fiction et réalité

                       

                        a/ Une colonie ancienne…

-Conquête militaire des villes littorales en 1830 par général de Bourmont (débarquement à Sidi-Ferruch, ouest d’Alger) ; autres blocs coloniaux plus récents: Tunisie 1881, Indochine 1885, AOF 1895, Maroc 1911…

Mais forte résistance (ex: émir Abd el-Kader de 1832 à 1847) ; « pacification » assurée par le Maréchal Bugeaud, brutal (violence militaire) ; encore des révoltes ensuite

Sahara conquis seulement en 1902 (transformé en 2 départements en 1957)

-Créée par la France ?

Résidence d’Alger : Etat autonome au sein de l’Empire ottoman depuis le XVIIe s, dirigé par le Dey d’Alger ; donc Algérie non créée par la France

Pas de « nation algérienne » : ensemble de tribus (berbères dont Kabyles, arabes, juifs depuis II-IIIes et séfarades expulsés d’Espagne en 1492, touaregs…) ; seul vrai liant: islam

-Etudes des historiens :

            Yazid Ben Hounet : Des tribus en Algérie ? (Cahiers de la Méditerranée 2007) : France détruit les tribus plus par dépossession foncière que par la conquête

            Chalres-Robert Ageron : Mythe de la "nation algérienne" existant avant 1830 véhiculé par l'Etat algérien pour des raisons pédagogiques) ; domination coloniale crée cette nation algérienne

 

                        b/ Une colonie de peuplement…

Envoi de nombreuses personnes (y compris familles) pour assurer une présence pérenne, bâtir une société et se délester d’un surcroît de population

-Présence européenne :

Français : militaires, fonctionnaires, commerçants, religieux ; opposants à Napoléon III, indésirables, Alsaciens-Mosellans (1871), Corses, viticulteurs du Sud…

Européens de Méditerranée : Espagnols, Italiens, Maltais ; qq Allemands et Suisses

Maximum de représentation en 1926 : 15% de la population ; puis régression de leur part: 10 % en 1954 (1M pour 9 M indigènes avec forte hausse démographique)

-Question de la terre:

Colons (= propriétaires/exploitants de terres) :

Acquisition par redistribution gratuite après appropriation étatique des terres, par transactions foncières avantageuses contre les tribus (loi Warnier de 1873)

500 000 ha en 1870 ; IIIe République : 450 000 ha de plus ; 40% de la terre indigène confisquée

IIIe Rép : volonté de créer une démocratie de propriétaires : "2e France" 

-Evolution socio-géographique :

Vers 1900, 1/3 des Européens sont paysans ; en 1954, seulement 15% (ont migré vers les villes côtières où majoritaires)

Tendance à la concentration des terres par une oligarchie foncière (ex: Georges Blachette : gros colon et industriel: « roi de l’alfa » pour faire du papier, député d'Alger et propriétaire de journal ; faire échouer toute réforme égalitaire )

 

                        c/ Une colonie d’exploitation

Réussite de l'agriculture européenne : vignoble, tabac, primeurs, agrumes ; exportés vers la Fra sans droits de douane

Sahara : essais nucléaires décidés par la IVe Rép, repris par DG (d’abord à Reggane aériens1960-61, puis à In Ecker souterrains (jusqu’en 1966)

Pétrole (Hassi Messaoud) et gaz (Hassi R’mel) découverts en 1956 ; gvt fra crée 2 départements pour séparer du reste de l’Algérie ; contexte éco (30 Glorieuses, crise de suez : besoin d’énergie) ; point d’achoppement des négociations avec FLN : finalement DG renonce à le garder en sept 1961 d’où accélération des négociations ; Fra garde des privilèges pour son exploitation, puis nationalisation par Boumediene en 1971

 

                        d/ Un territoire et des habitants « français »

-Annexion en 1848

départementalisation (réalisée progressivement) : 3 départements (Alger, Oran, Constantine) avec députés, rattachée au ministère de l’Intérieur

-Assimilation partielle:

Nationalité + citoyenneté immédiate pour les Français

Obtention progressive par d’autres groupes : juifs algériens (décret Crémieux d’octobre 1870), enfants des Européens (Espagnols, Italiens, Maltais, loi de 1889)

-Situation de la majorité (indigènes musulmans) : nationalité française, mais sans citoyenneté (« sujets français » ) ; pour l’obtenir, abandon du « statut personnel » donc des coutumes (seulement 6000 sur toute la période coloniale) ; loin des principes de la République démocratique

-Evolutions tardives :

1936: projet Blum-Viollette : accorder les droits civiques à certains Algériens (25 000 la première année) : échec dû à une double opposition : lobby colonial hostile à toute évolution, nationalistes algériens qui dénoncent un "instrument de colonialisme" ; vote négatif au Sénat

Mars 1944: Ordonnance de De Gaulle : 

            60 000 musulmans naturalisés (sans perte de leur statut personnel : militaires, diplômés…)

            plan de modernisation (scolarisation, assistance médicale, législation sociale, création d'industries, etc)

            suppression du code de l’indigénat (liste d’infractions seulement applicables aux Algériens par voie administrative)

Réponse au Manifeste du Peuple Algérien remis à De Gaulle par Ferhat Abbas en 1943 :

Mais l’ordonnance :    reste dans une logique d’assimilation (refusée par les nationalistes)

                                    est trop audacieuse pour les Européens d’Algérie   

 

         2/ Une société inégalitaire

 

                        a/ La représentation politique

-Réforme de septembre 1947 :

            volonté de répondre aux événements de mai 1945 (manifestations de Setif et Guelma)

            gouverneur général représente la souveraineté Fra 

            citoyenneté aux musulmans (FMA "Français musulmans d'Algérie« ) : théoriquement, mêmes droits

            élection d'une Assemblée algérienne (budget + adaptation de la législation Fra)

-Problèmes et conséquences :

            Double collège électoral (1 pour les Français et 1 pour les musulmans) avec surreprésentation des Français : 60 députés dans chaque collège (de 1 à 9 pop, de 1 à 4 électeurs)

            Elections de 1948 truquées : pression contre les nationalistes algériens et sur les électeurs, urnes truquées...

            Rejet par les nationalistes, donc pas d’évolution possible par la voie légale.

            Perception en Fra que le problème est réglé : confirmé par voyage triomphal de Vincent Auriol en Algérie en juin 1949

 

                        b/ Des inégalités socio-économiques criantes

Fiction de la transmission des valeurs (civilisation, progrès)

-Paupérisation des indigènes

production agricole et artisanale traditionnelle concurrencée, aggravée par une fiscalité lourde

pression démographique forte

exode rural important et bidonvilles (terme apparu à Casablanca en 1931)

revenu moyen: 12 fois > pour européens

-Des oeuvres positives et des échecs

Positif : réseau routier et ferré, progrès médicaux (mais mortalité infantile 4 fois > pour musulmans)

Echec de l’éducation : en 1954, 94 % des hommes musulmans et 98% des femmes analphabètes ; seulement 14% des enfants sont scolarisés ; mépris de l'Islam

-Réformes bloquées (enseignement, vote des femmes, culte musulman) 

manque de financement, division de l’Ass algérienne (ex: droit de vote des femmes algériennes seulement appliqué en 1958 alors que prévu dès 1944)

 

            3/ Une impossible voie politique

 

                        a/ Le refus du contexte nouveau par la France

-Rôle de l'empire dans la libération

France pas invincible: défaite de 1940 et occupation

Ralliement dès 1940 du Tchad et de l'AEF à la "France libre" ; 100-200 000 Maghrébins dans l’armée fra à partir de 1943 (campagnes de Tun, Ita, Provence, All + guerre d’Indochine) cf : film Indigènes de R. Bouchareb (controversé)

D’où espoirs déçus:    conférence de Brazzaville en février 1944 (réaffirmation de l'empire) 

                        reconnaissance limitée (difficultés pour statut et pension d’ancien combattant)

                        réformes limitées : ministère "des colonies" devient "de la France d'Outre-mer" ; "Union Française" proclamée dans la Constitution de la IVe République (association de peuples, promesse de décolonisation progressive), départementalisation des "4 vieilles" en 1946: Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane mais déceptions (ex: allocations familiales appliquées seulement en 1975)

-Influence des événements internationaux sur la situation en Algérie :

            Influence de Maroc/Tunisie : demande d’indépendance dès 1945 ; hésitations et promesses non tenues ; fermeté : Bourguiba emprisonné (1952), Mohammed V déchu et exilé en 1953 (véritables martyrs, troubles) ; même politique en Algérie ; puis dissociation  : négociations engagées par PMF (défaite en Indochine et volonté de conserver l’Algérie) et Indépendances reconnues en 1956

            Revers politico-militaires : perte de l’Indochine (retentissement de Dien-Bien-Phu) 1954 et humiliation de Suez 1956 : pression de l’armée pour sauver son honneur en Algérie

            Conférence de Bandung (avril 1955) : 29 Etats; délégation de diplomates du FLN (observateurs ; dont Hocine Aït Ahmed) = combat reconnu contre Fra ; colonisation et Fra condamnées ; début d’internationalisation rejeté par la Fra

-Consensus en France :

maintien de l'empire (sauf PCF)

malgré Charte de l'Atlantique, ONU (droit des peuples), 1e décolonisations (ex: Inde 1947)                    tensions et répression: Algérie (1945), Madagascar (1947)

 guerre en Indochine (appui des EU car guerre froide)

           

                        b/ Des indépendantistes algériens dispersés

- 1ers mouvements

            "Jeunes Algériens" (vers 1900)

Pour intégration à la France, en conservant l’Islam ; intellectuels (ex: émir Khaled, petit-fils d'Abd el-Kader, officier de l’armée) ; Fin du rêve d'égalité avec l'échec du projet Blum-Violette

            Parti Communiste : faible numériquement (500 militants en 1939), mais influence l’idéologie nationaliste et l’organisation des partis nationalistes ; souvent descendants d’indésirables (ex: Communards)

            Oulémas (théologiens musulmans) organisés en 1931 (AOMA) ; rejet de l'assimilation par la "déclaration nette" de 1936 ; Slogan : « L’Islam est ma religion, l’arabe est ma langue, l’Algérie est ma patrie » ; actifs dans les mosquées et les écoles

-Personnalités emblématiques

            Ferhat Abbas : pharmacien ; Février 1943 : Manifeste du Peuple Algérien pour indépendance : réclame un Etat ; 1946 : créé l’UDMA (parti indépendantiste modéré et opposé à la violence ) ; refus de négociation par la Fra: rejoint le FLN en 1955

            Messali Hadj : pas d’études, vit à Paris après 1GM, marié à une fra ; Etoile Nord-Africaine en 1926 (proche PCF, ouvriers immigrés, puis émancipation, dissout et emprisonné par Front Pop : contre projet Blum-Viollette) ; après la 2GM, Hadj joue sur 2 tableaux: parti clandestin (PPA) favorable à l'action violente et vitrine légale : le MTLD ; 1954, crée le MNA (cherche à négocier l’indépendance, hostile au FLN)

-Manifestations de Sétif et Guelma : 8 mai 1945 à l’appel du PPA, fusillade, 100 européens tués, répression militaire contre les musulmans (au moins 8000 morts selon les historiens)

Radicalisation du nationalisme algérien entre 1945 et 1954 et échec de la voie politique

-FLN : créé en Juillet 1954 : dissidents jeunes du MTLD : veulent l'action et l'insurrection immédiate, déclenchée le 1er nov 1954

-Historien : Etudes de Charles-Robert Ageron (disponibles sur Internet)

 

Conclusion partielle :

            Rapport de domination : Violence militaire de la conquête + confiscation des terres : fondation des rapports entre Français et Algériens sur la seule domination ; Algérie « française » est une fiction

            Basculement dans la guerre pas inéluctable (Attention à la téléologie!) : Enfermement et aveuglement progressifs (refus du dialogue, des réalités mondiales) empêchent de trouver des solutions

            Historien : Michel Winock : « incapacité des IIIe et IVe républiques à penser la nature coloniale de l'Algérie et son émancipation »

 

 

II/ Continuités et ruptures politiques et militaires du conflit

        

         1/ L’enlisement progressif de la IVe République dans la guerre

 

                        a/ la Toussaint rouge et ses réponses

-Série d’attentats (30 à 70) dans la nuit contre présence française (10 morts, dont soldats appelés, caïd = fonctionnaire Hadj Sadok, instituteur Monnerot)

MTLD accusé à tort par la police : arrestations et tortures

En fait, coup d’état d’une minorité (FLN) dans le mouvement nationaliste : légitimation de la violence comme moyen d'action politique.

-Réaction de la France (gvt PMF avec Mitterrand ministre de l’Intérieur) en fonction du contexte : Indochine perdue en juillet (pression de l’armée pour son honneur).

Janvier 1955, nouveau gouverneur général nommé en Algérie : J. Soustelle (de gauche, pacifiste, mais se rallie à l’intégration et s’engage dans la répression (voulue aussi par FLN pour faire basculer la population)

PMF veut aussi relancer le plan de modernisation de 1944, mais sans concertation avec l’Ass nat : gouvernement renversé en février 1955

-« Pourrissement » (M. Winock)

Envoi de forces militaires toujours plus grandes : réponse uniquement militaire (mais terme guerre pas utilisé )

FLN qualifié de « rebelles » , « fellagha » (bandit) : jugé minoritaires et manoeuvré par l'Egypte de Nasser      

Avril 1955, création de l’Etat d’urgence (loi spéciale, 1e fois, gvt E. Faure) :

            restriction administrative des libertés

            répression accentuée (ex: enfermement de populations civiles des Aurès dans des « camps d'hébergement »)

            pas d’effet positif : extension de l’insurrection en Kabylie (succès du FLN à Bandung)  

                       

                        b/ la radicalisation à partir de l’été 1955

-Côté FLN :   

            20 août 1955 : massacres de Philippeville (et Constantinois) : environ 100 civils européens + musulmans modérés assassinés

            représailles aveugles contre civils algériens (5 000 à 10 000 morts)

            radicalisation assumée du FLN (faire basculer la population), escalade de violence

-Gouvernement Guy Mollet :

            Janvier 1956 : victoire électorale de la Gauche en France sur un programme de paix après dissolution de l’Ass  

            Elections ajournées en Algérie: Abane Ramdane (chef politique FLN) menace d’égorgement (votants musulmans, candidats) : terreur pour obtenir le monopole de la représentation des musulmans

            Des réussites : 3e semaine congés payés, polit européenne (Euratom et CEE), même pour la décolonisation : indépendance Maroc et Tunisie, loi-cadre Defferre (autonomie de l’Afrique noire)

            Revirement rapide sur l’Algérie :

6 février 1956 : "journée des tomates" : Mollet mal accueilli par les colons à Alger, d'où son revirement

Mars 1956 : "pouvoirs spéciaux" : décrets gouvernementaux sans contrôle du parlement ; gouverneur remplacé par un ministre résidant (Gal Catroux trop souple remplacé par R. Lacoste) : pouvoir quasi dictatorial

Mai 1956 : recours massif au contingent ; « rappelés » (réservistes de moins de 3 ans), appelés  ; manifestations en France contre les départs des soldats ; en 1 an : de 200 000 à 450 000 soldats ; perçus comme troupe d’occupation par FLN ; militarisation du pouvoir en Algérie

-Congrès de la Soummam (20 août 1956) : « 2e naissance du FLN »

Un des textes fondateurs de l'Algérie : programme politique

2 principes : primauté du politique sur le militaire (FLN sur ALN), de l’intérieur (FLN en Algérie) sur l’extérieur (chefs exilés) d'où tensions

Territoire divisé en Wilayas

Pari médiatique : terrorisme aveugle pour se faire connaître sur le plan international ; ex: attentat du Milk Bar à Alger (fin septembre 1956) : bombes par Zohra Drif (entre autres) : 12 morts et mutilés « petite Dany » (débat à Marseille en 2012 avec livre de Dany)

Mais sert aussi de justification à la violence française

-Bataille d'Alger (janvier 1957)

Rétablissement de l'ordre après vague d'attentats du FLN

Pouvoir de police confié aux parachutistes du général Massu  : Quadrillage de la casbah

Pratique massive de la torture et exactions (but: terroriser l'ensemble de la population) ; centaines d’arrestations

FLN se réfugie dans les zones reculées

-Historien : Gilbert Meynier « grande répression d'Alger »  (historien et militant anti-colonialiste à l’époque)

 

                        c/ Discrédit et agonie de la IVe République

-Actes français illégaux:

            détournement par la France d'un avion du Maroc transportant des chefs FLN en oct 1956         

            bombardement du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef, car présence de troupes FLN ; acte de guerre contre un Etat de l'ONU (février 1958) ; environ 70 morts dont enfants dans une école ; isolement international

-Polémique sur la torture :

            « affaire Audin » (Français d'Algérie, prof de math, communiste, pro FLN,  arrêté et disparu en 1957) ; thèse officielle: évadé ; livre de P. Vidal-Naquet (historien) en 1958 : "L'affaire Audin" prouve qu'il est mort sous la torture

            livre de H. Alleg (proche d'Audin, torturé, puis évadé) : « La question », censuré

            FLN torture aussi: des militaires français, des Algériens « traîtres » (veut imposer une assistance logistique par la population car pas un mouvement de masse au début)

-Déliquescence politique :

            Gvt Mollet renversé en mai 1957: rapprochement de droite nationaliste (Bidault, Tixier-Vignancour), perte soutien du PC

            Ouverture d’une longue période d’instabilité politique ; Finances détériorées: coût de la guerre

            Evolution de l’opinion : 53 % des métropolitains souhaitent un cessez-le-feu en juillet 1957

            13 mai 1958: Pierre Pflimlin favorable à un cessez-le-feu, à la présidence du Conseil  ; réaction: insurrection d’Alger (partisans de l’Algérie Fra: pieds-noirs, armée, gaullistes en sous-main) ; création d’un Comité de salut Public (Massu, référence à la révolution) ; appel à De Gaulle

            R. Coty fait appel, fin mai, au « plus illustre des Français » ; 1er juin 1958: investiture de De Gaulle ; pleins pouvoirs pour 6 mois (Algérie + nouvelle constitution) ; voyage en Algérie: 4 juin « je vous ai compris » (ambiguïté à Alger), 6 juin à Mostaganem : « vive l’Algérie française » (seule fois)

            IVe Rép morte de et dans la guerre d’Algérie

 

         2/ Un règlement long et difficile du problème par De Gaulle

 

                         a/ La poursuite de la guerre

-Bataille des frontières (à partir de mai 1958)

            but: couper le FLN de l’aide extérieure (Tun, Maroc)

            combats acharnés sur la Ligne Morice (commencée en 1957, doublée par la ligne Challe en 1959)

            défaite militaire de l’ALN face aux parachutistes

-Plan Challe (1959-61)

            remplacement de Salan (pro-Algérie Fra) par Challe en 1959

            recrutement massif de harkis pour "algérianiser" le conflit

            reprise militaire méthodique d'est en ouest : « ratissage »

            3 millions d’Algériens déplacés dans des "camps de regroupement" (conditions déplorables)

            but: être en position de force pour pouvoir négocier

 

                        b/ La levée progressive des ambiguïtés politiques

-Les mesures d’octobre 1958

            « paix des braves » : proposition de DG au FLN : arrêt des hostilités afin d'ouvrir des pourparlers de paix (reconnaissance de l'adversaire et de sa bravoure) ; FLN décline ; cause: création du GPRA en septembre (interlocuteur officiel, contre-pied du GPRF)

            « plan de Constantine » : investissement massif (ex: 200 000 logements) et modernisation (ex: redistribution de terres, irrigation) ; affaiblir politiquement le FLN ; abandon fin 1961

-L’autodétermination (septembre 1959)

            Annonce par DG : choix entre sécession (Indépendance), francisation ou association ; bon accueil en Fra (fin 1958: 71 % pour un cessez-le-feu ; 51 % : indépendance inéluctable

            Refus : GPRA (Sahara exclu, veut être interlocuteur), extrême droite en Fra, majorité des pieds-noirs, partie de l’armée en Algérie

            "semaine des barricades" à Alger (janvier 1960) : protestation des pieds-noirs ; DG décide de se passer de leur soutien ; pouvoir repris par les civils aux militaires

            négociation secrète avec certains FLN en 1960 : échec mais mouvement enclenché

-Les obstacles à un règlement rapide

            création de l'OAS en février 1961 (Français d'Algérie et certains militaires) ; attentats contre les opposants à Algérie Française (FLN, modérés, appelés)

            putsch des généraux à Alger (nuit du 21 au 22 avril 1961) ; généraux Challe, Zeller, Jouhaud et Salan : pour Algérie Fra ; réaction DG : TV + radio (rôle transistor pour les appelés), “quarteron de généraux en retraite”, article 16 de la Constitution ; échec en 1 semaine ; seul exemple de retournement de l'armée contre un gouvernement dans l'histoire de la République

                        Guerre en métropole :

attentats de l'OAS : Camille Blanc, maire d’Evian (mars 1961), DG à Pont-sur-Seine (sept 1961)

lutte à mort entre MNA (M. Hadj) et FLN : 4 000 morts

17 octobre 1961 : manifestants FLN pacifiques à Paris ; répression du préfet de police Papon + vengeance des policiers contre attaques de policiers par le FLN

 

                        c/ les accords d’Evian (18 mars 1962) et l’indépendance

-Visions différentes des historiens : Benjamin Stora : « fin de la guerre d’Algérie »  / Guy Pervillé : « utopie juridique »

-Contexte perturbé

            négociations : commencées en 1961, rompues à plusieurs reprises (désaccords)

            terrorisme de l’OAS : jusqu’auboutisme pour faire échouer (attentats) ; dirigée par Salan clandestin

             course au pouvoir au sein du FLN

-Contenu des accords

Militaire : cessez-le-feu dès le 19 mars ; libération des prisonniers ; amnistie générale ; retrait progressif ; utilisation du Sahara pour 5 ans (nucléaire)

Politique : double référendum : Fra en avril (91%), Algérie en juillet (99%)

Humain : Européens peuvent rester avec statut transitoire, puis doivent choisir la nationalité algérienne ou le statut d’étrangers (France voulait qu’ils aient la double nationalité)

-Indépendance

            reconnaissance par DG le 3 juil 1962 ; célébrée le 5 juil 1962 en Algérie

            violence maintenue: « politique de la terre brûlée » de l’OAS, représailles contre pieds-noirs (massacres d’Oran en juillet), entre Algériens (lutte de pouvoir, massacre des harkis)

            départ précipité des massif des pieds noirs

 

Conclusion partielle :

            Incapacité de la IVe République : Paradoxe : progrès sur autres situations (Indochine, Tun/Mar, Afr noire) mais blocage sur Algérie

            Pragmatisme de De Gaulle : assumer, difficilement, la décolonisation ; Avancée par étapes, en maintenant une position militaire forte

 

 

III/ Une guerre douloureuse qui laisse des séquelles

 

                   1/ 3 guerres en une

Etude historique de base : Benjamin Stora et Mohammed Harbi : La Guerre d'Algérie, 1954-2004 : la fin de l'amnésie

 

                                    a/ Une guerre franco-algérienne

-Surtout une guérilla : Signe de forces déséquilibrées

Actions du FLN : guérilla (embuscades, attentats), massacres de civils ; marquer les esprits ; fantasme des  mutilations exploité par la Fra : diabolisation du FLN (ex: Palestro 1956)

Réponse Fra:   envoi du contingent (1,7 million en tout pendant la guerre)

                        ratissage (contrôle du terrain)

                        « pouvoirs spéciaux » à l’armée : déplacements massifs de populations (+ 3 M), exécutions sommaires quasi légalisées en juil 1955 par une instruction interministérielle (Défense + Intérieur) : "un suspect qui tente de s'enfuir peut être abattu, sans sommation"(porte ouverte à toutes les exactions)

-Polémiques sur la torture :

            Janvier 1955 : 1ères tortures françaises contre des militants du MTLD (FLN encore inconnu) : plusieurs conseillers municipaux d'Alger ; scandale dénoncé par Claude Bourdet dans France Observateur (de gauche, ancien résistant et déporté, fondateur de l’ancêtre du Nouvel Obs) : « notre gestapo française »

            « affaire Audin » (Français d'Algérie, prof de math, communiste, pro FLN,  arrêté et disparu en 1957) ; thèse officielle: évadé ; livre de P. Vidal-Naquet (historien) en 1958 : "L'affaire Audin" prouve qu'il est mort sous la torture

            livre de H. Alleg (proche d'Audin, torturé, puis évadé) : « La question », censuré

            FLN torture aussi: des militaires français, des Algériens « traîtres » (veut imposer une assistance logistique par la population car pas un mouvement de masse au début)

-Une « guerre sans nom » (film de B. Tavernier 1992)

Guerre non reconnue par Etat fra : « fellaghas », « maintien de l’ordre », « événements »

Refus de l’idée de guerre civile (Algérie est Fra) et refus de statut militaire au FLN (ennemi non reconnu donc non respecté)

-« La valise ou le cercueil » (tract du PPA à Constantine en 1946 ; chanson J. Hallyday en 2015 pour les réfugiés)

850 000 Européens + 150 000 Juifs présents en Algérie en 1954

Fin 1961, déjà 150 000 rapatriés en métropole ; janv-avr 1962 : 450 000 départs (panique due à la perspective de l’indépendance + politique de la terre brûlée de l’OAS) ; juil-déc 1962 : 200 000 départs

Ensuite, partent pour plusieurs raisons : expropriations sans indemnisation, nationalisation d’entreprises ; code de la nationalité + Islam religion d’Etat en 1963 ; 1970 : reste 50 000 pieds-noirs ; 1990 : quelques milliers (puis, nouveaux départs avec la « décennie noire » : GIA)

 

                                   b/ Une guerre civile algéro-algérienne

-Enjeux :         Question du maintien ou non de liens avec Fra (F. Abbas pour en 1946, contre M. Hadj ; éclatement du MTLD en 1954 d’où naissance du FLN)

                        Châtiment des « collabos » (modérés: attentats fin 1954, harkis)

                        Rivalité FLN/MNA (ex: Massacre de Melouza, 300 hab en 1957, par le FLN) ; environ 10 000 morts dont 4 000 en Fra (MNA bien implanté chez les immigrés)

                        Contrôle et représentation de la population (FLN : parti unique en 1963) ;

 -Cas des harkis :

Supplétifs de l’armée française, environ 120 000 ;

70 000 massacrés en Algérie (entre 10 000 et 150 000 morts selon les sources) ; Etat algérien laisse faire

90 000 rapatriés en France avec familles, accueillis dans des camps (ex: Larzac, Rivesaltes), retour impossible ; Pq pas tous accueillis ? Fra croit au respect des accords d’Evian (amnistie), ne pas accentuer la guerre civile en Fra (OAS), impréparation et débordement ; pas d’abandon total

Historienne : Chantal Morelle : Les pouvoirs publics français et le rapatriement des harkis (article dans revue Vingtième siècle, 2004)

-Lutte de pouvoir après indépendance

Hostilité entre GPRA et FLN : désaccords entre chefs historiques, proche de la guerre civile

Pouvoir récupéré par Ahmed Ben Bella : président en 1963

1965 : Coup d’Etat du colonel Houari Boumediene (ministre de la Défense) : Ben Bella emprisonné pendant 15 ans ; Boumediene s’appuie sur l’armée pour gouverner ; idéologie socialiste

Assassinats politiques: Krim Belkacem (1970 en All par services secrets)

 

                                   c/ Une guerre civile franco-française

Options tranchées et antagonistes:

            PCF pour indépendance dès le début (idéologie + guerre froide) ; manifestations pro-FLN réprimées (métro Charonne en février 1962 : 9 morts)

            « porteurs de valises » (réseau Jeanson) démantelé en 1960 : militants Fra pour le FLN (transport argent et faux-papiers) souvent par idéalisme (extrême gauche, intellectuels, chrétiens) ; soutien par le « Manifeste des 121 » (intellectuels : Sartre, Vidal-naquet, A. Resnais… : liberté des Algériens)

            Cartiérisme (Raymond Cartier journaliste à Paris-Match (anticolonialisme pragmatique ; capitalistes contre le coût des colonies et des guerres)

            Pieds-noirs majoritairement contre l’indépendance ; espoir en DG en 1958, puis déception et sentiment de trahison

            OAS et certains militaires : multiplication des attentats en Algérie et en France, même après l’indépendance (ex: attentat du Petit-Clamart contre DG en août 1962), fusillade de la rue d’Isly à Alger (fin mars 1962, + 40 morts OAS car l’armée tire, largement occulté par Etat), entrée en clandestinité (s’estiment résistants : Soustelle, Bidault, JJ Susini : cofondateur de l’OAS, commanditaire attentat contre DG à Toulon en 1964, candidat FN en 1997, mort en 2017)

            Retournement de l’opinion en France (lassitude, contingent, attentats)

           

            2/ De Gaulle : la « grandeur de la France » avant tout

 

-En finir avec les colonies

            question de l’Algérie pas essentielle (JJ Becker) ; volonté d’aller vite, mais impossible à cause des désaccords ; presque toutes les conditions des Algériens sont acceptées

            Fin des colonies africaines : toutes les colonies (sauf Guinée) acceptent par référendum la Communauté Fra inscrite dans la Constitution de 1958 ; 15 Etats obtiennent l’indépendance totale et entrent à l’ONU en 1960

-Se re-projeter sur la scène internationale

            France Condamnée à Bandung, par l’ONU

            Humiliée à Suez : Perte de l’influence mondiale, fort ressentiment contre les EU (origine du rapprochement franco-allemand, des décisions anti-américaines)

            Politique d’oubli et d’amnésie sur la guerre (mémoires blessées)

-Renforcer la Ve République :

            présidentialisation : référendum 1962 (légitimation par le peuple ; lien avec les attentats)

            affaiblissement des adversaires politiques : fin de l’extrême droite (discréditée dans l’OAS) ; SFIO déconsidérée (gvt G. mollet)

            développement économique (tourner la page, 30 glorieuses), diplomatique (indépendance nationale) et militaire (politique de dissuasion nucléaire)

           

            3/ Des mémoires à vif

 

-Relations difficiles entre Etats

            terminologie ; nombre de morts (G. Pervillé: 300 000 Algériens, 30 000 Français ; « million de martyrs » selon Etat algérien), repentance…

-Immigration algérienne en France

200 000 en 1954 ; 350 000 en 1962; 800 000 en 1982 (raisons économiques, travail : BTP, métallurgie ; désorganisation à l’indépendance) ; question du déchirement d’identité

-En France de « l’amnésie à l’hypermnésie » (H. Rousso)

parallèle avec la 2GM

-Groupes mémoriels distincts, revendicatifs et antagonistes

-Avancée: septembre 2018 : reconnaissance officielle de la torture par l'Etat français (E. Macron)

 

Conclusion

            La France républicaine de l’après-Seconde Guerre mondiale, qui porte pourtant haut les valeurs de sa devise «Liberté-Egalité-Fraternité», ne parvient ni à dépasser une vision biaisée de la réalité de la situation de l’Algérie, ni à intégrer le processus de décolonisation qui s’opère au niveau mondial. De Gaulle sort difficilement d’une guerre de huit ans, pas vraiment par philanthropie ou humanisme, mais surtout par pragmatisme.

            La volonté gaullienne de tourner la page à tout prix, à la fois de la IVe République et de la Guerre d’Algérie, renforce et enracine la nouvelle République. Elle laisse cependant des blessures non cicatrisées qui se sont rouvertes quelques trente ans plus tard sous la forme d’un « trop-plein de mémoires » (B. Stora).

            Comment la guerre d'Algérie continue-t-elle à peser sur les relations franco-algériennes plus d'un-demi siècle après sa fin ?